Les chercheurs de Weill Cornell Medicine ont découvert une connexion inédite entre deux voies clés du système immunitaire des mammifères. Cette découverte bouscule notre compréhension des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI), affectant plus de 200 000 personnes en France. Cette avancée pourrait ouvrir la voie à de nouvelles thérapies ciblées, préservant la fonction intestinale et équilibrant la réponse immunitaire.
L'étude, publiée le 12 juin dans
Nature, révèle que l'interleukine-23 (IL-23), un facteur immunitaire, agit sur les cellules lymphoïdes innées de type 3 (ILC3). Ces cellules jouent un rôle de première ligne dans les tissus muqueux comme l'intestin et les poumons. En réponse à IL-23, les ILC3 augmentent l'activité de CTLA-4, un régulateur clé empêchant le système immunitaire d'attaquer le corps et les microbiotes bénéfiques. Ce mécanisme montre comment IL-23, bien que pro-inflammatoire, contribue à maintenir la santé intestinale, une fonction souvent altérée dans les MICI.
Gregory Sonnenberg, auteur principal et professeur au Jill Roberts Institute for Research in Inflammatory Bowel Disease, souligne l'importance de cette découverte: "Cette connexion inattendue entre deux grandes voies immunitaires qui contrôlent la santé, l'immunité et l'inflammation pourrait nous permettre de développer des thérapies plus sélectives."
Le chercheur postdoctoral Anees Ahmed, auteur principal de l'étude, a utilisé le séquençage ARN à cellule unique pour analyser les effets de l'IL-23 sur différentes cellules immunitaires de l'intestin sain. Les résultats ont montré que l'IL-23 active fortement la voie CTLA-4 dans les ILC3. Bloquer cette voie entraîne une inflammation intestinale sévère.
Pour confirmer leurs résultats chez l'Homme, les chercheurs ont utilisé des échantillons de la Jill Roberts Institute Live Cell Bank, comprenant des patients atteints de MICI et des individus sains. "Cette ressource unique nous a permis de confirmer rapidement que nos découvertes chez la souris s'appliquent également aux patients atteints de MICI", a déclaré Gregory Sonnenberg. La validité des observations a été vérifiée en collaboration avec Robbyn Sockolow, gastro-entérologue pédiatrique et professeur de pédiatrie clinique à Weill Cornell Medicine.
Les résultats montrent que cette nouvelle voie immunologique est présente dans l'intestin humain sain mais devient défectueuse chez les patients atteints de MICI. "Cela pourrait expliquer pourquoi l'IL-23 devient un moteur de l'inflammation intestinale dans les MICI humaines," a précisé Robbyn Sockolow.
Cette étude suggère également que cette voie pourrait être exploitée pour combattre le cancer et expliquer pourquoi certains patients sous immunothérapie souffrent d'inflammation intestinale. Les médicaments bloquant CTLA-4, utilisés pour libérer le frein du système immunitaire, peuvent provoquer une inflammation intestinale sévère.
Anees Ahmed indique qu'il est nécessaire de poursuivre les recherches avant d'appliquer ces découvertes à de nouveaux traitements. Il envisage la possibilité de développer des traitements ciblés évitant les ILC3 dans l'intestin ou bloquant simultanément IL-23. "Nous pourrions trouver des moyens de bloquer sélectivement CTLA-4 ou IL-23 dans certaines cellules immunitaires, ce qui pourrait révolutionner la lutte contre le cancer tout en protégeant l'intestin de l'inflammation," a-t-il ajouté.
Ces découvertes pourraient également avoir des applications à long terme pour développer de nouveaux traitements contre diverses maladies auto-immunes médiées par IL-23. Des médicaments ciblant IL-23 existent déjà, de futures thérapies pourraient contrôler les mécanismes sous-jacents des maladies inflammatoires chroniques sans bloquer totalement IL-23.