Adrien - Mardi 25 Novembre 2025

✈️ Mach 10: un verrou technologique pour les déplacements hypersoniques saute !

Pouvoir traverser la moitié de la planète en à peine plus de temps qu'il n'en faut pour regarder un épisode de votre série préférée... Ce qui relevait autrefois de la pure fiction pourrait bientôt devenir notre réalité quotidienne, grâce aux avancées récentes dans le domaine des vols à très haute vitesse.

Les voyages intercontinentaux pourraient être radicalement transformés par l'avènement des vols hypersoniques. Actuellement, un trajet entre Sydney et Los Angeles nécessite environ quinze heures de vol, mais cette durée pourrait être réduite à seulement soixante minutes. Le professeur Nicholaus Parziale affirme que cette technologie aurait pour effet de "rétrécir la planète", rendant les déplacements plus rapides et plus agréables.


Pour atteindre de telles vitesses, un avion devrait voler à Mach 10, soit dix fois la vitesse du son. L'obstacle principal réside dans la turbulence intense et la chaleur extrême générées lorsqu'un appareil fend l'air à de telles vitesses. L'air ne se comporte pas de la même manière à basse et haute vitesse. En dessous de Mach 0,3, l'écoulement est dit incompressible: la densité de l'air varie peu, ce qui simplifie les calculs de conception. A la vitesse du son (soit Mach 1), l'écoulement est dit compressible, car le gaz se comprime sous l'effet de la pression et de la température.


La compressibilité modifie profondément la manière dont l'air interagit avec l'avion, influençant des paramètres essentiels comme la portance, la traînée et la poussée nécessaires au vol. Les ingénieurs maîtrisent bien ces phénomènes aux vitesses subsoniques des avions de lignes actuels, mais les conditions rencontrées entre Mach 5 et Mach 10 restent largement incomprises. Une idée directrice, connue sous le nom d'hypothèse de Morkovin, postule que le comportement turbulent de l'air à ces vitesses élevées redeviendrait similaire à celui observé à des vitesses plus basses, sous Mach 1.

Pour tester cette hypothèse, l'équipe de Parziale a mis au point une expérience ingénieuse utilisant des lasers. Ils ont ionisé du krypton, un gaz injecté dans l'air d'une soufflerie, créant une ligne fluorescente qui se déforme sous l'effet des turbulences. En observant comment cette ligne se tord et ondule, les chercheurs ont pu analyser la structure de l'écoulement à Mach 6. Les résultats, obtenus après onze ans de développement, indiquent que le comportement turbulent à cette vitesse est effectivement proche de celui des écoulements incompressibles.


Nicholaus Parziale estime que les avions hypersoniques pourraient un jour relier Los Angeles à Sydney en une heure.
Crédit: Stevens Institute of Technology

Cette découverte simplifierait considérablement la conception des avions hypersoniques. Actuellement, simuler numériquement tous les détails d'un vol à Mach 6 nécessiterait des ressources informatiques colossales, voire impossibles à mobiliser. L'hypothèse de Morkovin permettrait de faire des approximations raisonnables, rendant ces calculs beaucoup plus accessibles. Les applications pourraient également s'étendre au transport spatial, en permettant de développer des véhicules capables d'atteindre l'orbite terrestre basse sans recourir aux lanceurs traditionnels.

L'hypothèse de Morkovin et la turbulence



L'hypothèse de Morkovin, formulée au milieu du XXe siècle, propose une vision unificatrice de la turbulence à différentes vitesses. Elle suggère que le mouvement désordonné de l'air, caractérisé par ses tourbillons et ses fluctuations, conserve des propriétés fondamentales même lorsque la vitesse dépasse largement celle du son. Cette idée remet en question l'intuition selon laquelle des écoulements très rapides seraient radicalement différents des écoulements plus lents.

Dans les écoulements compressibles, la densité de l'air varie significativement avec la pression et la température, ce qui complexifie l'analyse. Pourtant, Morkovin postule que la structure de la turbulence, c'est-à-dire la manière dont les tourbillons se forment et interagissent, reste largement inchangée. Cela signifie que les modèles mathématiques et les concepts utilisés pour décrire la turbulence à basse vitesse pourraient être adaptés plutôt que remplacés.

La validation expérimentale de cette hypothèse ouvre des perspectives majeures pour l'aérodynamique. Si la turbulence se comporte de manière similaire à différentes vitesses, les ingénieurs peuvent s'appuyer sur des connaissances déjà établies pour concevoir des véhicules hypersoniques. Cela réduit l'incertitude et accélère le développement de technologies capables de fonctionner dans des conditions extrêmes, où les erreurs de conception peuvent avoir des conséquences catastrophiques.

Au-delà de l'aéronautique, cette compréhension de la turbulence pourrait bénéficier à d'autres domaines, comme la météorologie ou l'énergie éolienne, où les écoulements rapides et turbulents sont monnaie courante. Une approche unifiée simplifierait la modélisation et améliorerait la précision des prévisions, que ce soit pour le vol d'un avion ou pour la trajectoire d'une tempête.
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