Michel - Vendredi 26 Mai 2006

Si la Lune ne possède pas d'eau, arrosons-la !

Une idée extrêmement simple pourrait permettre d'approvisionner en eau les futures bases lunaires habitées. Le concept serait de bombarder à plusieurs reprises notre voisine déjà riche en cratères, avec des tonnes de glace, afin établir un système de distribution d'eau toujours disponible. De telles missions auraient de plus l'avantage de permettre l'étude scientifique des impacts de météores sur la surface lunaire.


La lune est aride et désolée. Pourrait-on l'arroser ?

L'initiateur de cette stratégie spéculative, appelée SLAM, est Alan Stern, directeur au SwRI (Southwest Research Institute), également responsable scientifique de la mission New Horizons, actuellement en route vers Pluton. Selon lui, le projet serait particulièrement efficace et peu coûteux

Des pièges froids, mais des idées peu claires


Un des problèmes actuels laissant perplexes les scientifiques et les concepteurs des futures missions d'exploration lunaires est de connaître la quantité de glace présente dans les régions polaires de la Lune. Les sondes Clementine (en 1994) et Lunar Prospector (1998-1999) qui ont survolé la surface lunaire, ont révélé que de l'hydrogène, sans doute sous forme de glace d'eau, pouvait se cacher dans les cratères polaires, dans des endroits appelés "pièges froids" continuellement à l'abri des rayons solaires

Et, si de la glace est effectivement présente, cette ressource pourrait être employée par les astronautes pour produire de l'énergie et de l'oxygène. Mais est-elle vraiment là ? Et si oui, en quelle quantité et sous quelles conditions de traitement sera-t-elle accessible? Les responsables des futures missions sont impatients qu'un inventaire de l'eau disponible soit effectué afin de pouvoir répondre à ces questions.

Il a été récemment annoncé que la mission LRO (Lunar Reconnaissance Orbiter), prévue pour 2008, serait accompagnée d'une "charge utile secondaire" nommée LCROSS (Lunar CRater Observation and Sensing Satellite). LCROSS sera chargé d'étudier l'impact d'un étage supérieur de la même mission dans la zone du pôle Sud lunaire. Le panache de matériau qui devrait être éjecté depuis la surface sera analysé afin d'y rechercher des traces de glace.

Si donc cette glace existe, il ne sera cependant pas facile de l'atteindre. Les conditions de travail pour les hommes ou les machines dans les régions polaires seront difficiles. L'acheminement de la lumière et de l'énergie dans ces pièges froids sera complexe et les télécommunications avec ces régions peuvent également poser certains problèmes.

Un simple bouclier thermique


D'où l'idée de la mission SLAM. L'envoi de celle-ci ne nécessiterait aucune correction à mi-course de sa trajectoire vers la Lune et donc un vaisseau spatial sera inutile. Seul un bouclier thermique sera nécessaire pour protéger la charge utile de glace qui sera directement lancée par des boosters en direction du point visé de la surface lunaire.

"C'est tout à fait réalisable, simple, et réellement peu onéreux", indique Stern. Une technique particulière devra simplement être utilisée afin de que la glace ne soit pas enterrée trop profondément sous le choc. A la vitesse à laquelle l'impact se produira, pratiquement toute la glace se retrouvera à moins de 1,5 mètre sous la surface si elle a été au préalable correctement pré fragmentée. En outre, les études effectuées indiquent qu'une grande partie de la glace subsistera après le choc, seuls quelques 15¨% du volume bombardé devant se retrouver vaporisé.


L'équipage d'une mission lunaire de longue durée a besoin de glace:
pour être transformée en oxygène, utilisée comme eau potable,
ou même convertie en énergie


Des avantages multiples


Selon Stern, SLAM pourrait même servir en urgence, avec un lancement à la demande, dans le cas où un équipage lunaire aurait un besoin critique d'oxygène, d'hydrogène, ou d'eau liquide. SLAM garantit de plus, d'une certaine manière, une "eau potable" à 100%. Aucune incertitude quant à sa qualité contrairement à celle de la glace se trouvant éventuellement au fond des obscurs cratères lunaires.


Un autre avantage de ce type de missions est qu'elles pourront permettre d'étudier la création d'un cratère d'impact de comète "calibré". Le "Tir sur la Lune" d'une boule de glace est une petite comète, fait remarquer Stern. Par ailleurs, les scientifiques pourraient étudier les possiblités de circulation de l'eau sur la Lune. Les molécules d'eau qui sont introduites dans l'environnement lunaire en provenance de sources extérieures sautillent tout autour comme à la surface d'une plaque de cuisson, mais un certain pourcentage parvient jusqu'aux pôles. L'étude de la survie de ces molécules d'eau est d'un grand intérêt, note encore Stern.

La contrainte principale du projet est que l'impact devra avoir lieu pendant une nuit lunaire et que les travaux de récupération de la glace devront être effectués avant le lever de Soleil afin d'empêcher la sublimation de glace. Pour Stern, c'est un problème pratique et réel, analogue à ceux posés par le sondage des profondeurs de l'Océan, ici sur Terre. "Mais les efforts nécessaires pour résoudre ces difficultés seront hautement récompensés" dit-il.

"SLAM regroupe trois ou quatre domaines de l'exploration et la science", ajoute Stern. "Je défie quiconque de trouver une mission spatiale meilleur marché ou plus simple que celle-ci qui ne demande que deux choses: Une fusée et un tuyau d'arrosage qui restera sur la rampe de lancement".

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