Isabelle - Lundi 14 Mars 2022

Les interactions entre les espèces se perdent plus rapidement que la biodiversité

Les communautés écologiques sont plus que des collections d'espèces: les espèces sont intégrées dans des réseaux complexes d'interactions écologiques. Dans un article publié dans Nature Ecology and Evolution, une équipe internationale montre que la complexité des réseaux écologiques augmente avec la superficie, de sorte que leurs propriétés structurelles permettent de prédire avec précision les effets de la dégradation des habitats sur la survie des espèces.


Saule (Salix sp) et certains insectes herbivores formant des galles dans ses feuilles, qui à leur tour sont précédées par des insectes parasitoïdes.

Deux chercheurs de la Station d'Ecologie Théorique et Experimentale à Moulis (SETE - CNRS) ont réuni une équipe internationale de collaborateurs pour répondre à une question fondamentale, mais non résolue, en écologie: les petites zones contiennent-elles des réseaux écologiques plus simples que les grandes ?


Cette question transcende l'un des modèles les plus anciens connus en écologie: les zones plus vastes contiennent plus d'espèces que les plus petites. Prenons l'exemple des grandes et des petites îles d'un archipel: les grandes îles contiennent plus d'espèces d'oiseaux et de plantes que les plus petites. Cette “Relation Espèce-Superficie” (SAR en anglais) aide non seulement à comprendre l'échelle spatiale de la biodiversité, mais également à prédire les effets potentiels de la destruction des habitats dans les écosystèmes. Elle nous permet de prédire facilement combien d'espèces seront éteintes suivant une quantité donnée de superficie perdue.

Cependant, les communautés écologiques sont plus que des collections d'espèces sans connexion entre elles. Les espèces interagissent par prédation, compétition, facilitation ou symbiose, et sont intégrées dans des réseaux complexes d'interactions écologiques. Par conséquent, pour prédire les effets de la perte d'habitat sur la persistance et la survie des espèces, nous devons comprendre comment la perte d'habitat affecte non seulement les espèces, mais aussi leurs interactions.

Les auteurs de cette étude montrent que de nouvelles Relations Réseau-Superficie (NAR en anglais) se manifestent parallèlement aux Relations Espèces-Superficie. Ils utilisent les données de 32 réseaux écologiques empiriques de différents biomes, types d'interaction (hôte-parasite, plante-pollinisateur, plante-herbivore et autres réseaux trophiques) et domaines spatiaux. Les scientifiques montrent que la complexité des réseaux empiriques augmente généralement avec la superficie. Cela confirme un certain nombre de prédictions publiées en 2018 dans Nature Ecology and Evolution, où les chercheurs ont développé un cadre théorique pour comprendre et prédire la variation des propriétés des réseaux écologiques (ex. connectivité, composition au niveau trophique, longueur de la chaîne trophique) à travers les échelles spatiales.


Dans leur nouvelle étude, ces chercheurs montrent que les relations biodiversité-zone peuvent être étendues à la fois au dénombrement des espèces mais aussi à l'identification de niveaux plus élevés de complexité du réseau. L'augmentation du nombre d'interactions dans lesquelles chaque espèce est impliquée, lorsque la superficie augmente, indique que les interactions trophiques pourraient être plus vulnérables à la perte d'habitat que la richesse spécifique. Ainsi, les conséquences de la destruction anthropique de l'habitat peuvent s'étendre de la perte d'espèces à une simplification plus large des communautés naturelles, avec d'autres conséquences sur des fonctions écosystémiques qui dépendent de la façon dont les interactions sont organisées dans une communauté (par exemple: la pollinisation et le contrôle biologique des pestes).


Quelques exemples de relations réseau-superficie. Comme le nombre de liens diminue plus vite que le nombre d'espèces lorsque la surface est perdue, cela indique que les interactions trophiques pourraient être plus vulnérables à la partie de l'habitat que la richesse spécifie.

Laboratoire CNRS impliqué:
Station d'Ecologie Théorique et Expérimentale (SETE - CNRS)

Référence:
Núria Galiana, Miguel Lurgi, Vinicius A. G. Bastazini, Jordi Bosch, Luciano Cagnolo, Kevin Cazelles, Bernat Claramunt-López, Carine Emer, Marie-Josée Fortin, Ingo Grass, Carlos Hernández-Castellano, Frank Jauker, Shawn J. Leroux, Kevin McCann, Anne M. McLeod, Daniel Montoya, Christian Mulder, Sergio Osorio-Canadas, Sara Reverté, Anselm Rodrigo, Ingolf Steffan-Dewente, Anna Traveset, Sergi Valverde, Diego P. Vázquez, Spencer A. Wood, Dominique Gravel, Tomas Roslin, Wilfried Thuiller and José M. Montoya. Ecological network complexity scales with area. Nature Ecology and Evolution.

Contacts:
- Jose M. Montoya - Station d'Ecologie Théorique et Expérimentale (SETE - CNRS/Univ. Toulouse Paul Sabatier) - josemaria.montoyateran at sete.cnrs.fr
- Catherine Clerc - Correspondant communication - Station d'Ecologie Théorique et Expérimentale (SETE - CNRS) - catherine.clerc at sete.cnrs.fr
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