Michel - Vendredi 18 Octobre 2013

Insectes modernes: dans l'ombre des géants du Carbonifère

Les insectes sont remarquables par leur diversité et leur importance dans les écosystèmes continentaux, et dans une plus faible mesure dans les écosystèmes marins. Une équipe du Muséum national d'Histoire naturelle et du CNRS, associée à des spécialistes internationaux, vient de mettre en évidence les plus anciens représentants des lignées modernes d'insectes, les Holométaboles (1) et les Paranéoptères (2), dans un gisement situé dans une ancienne mine de charbon à Avion (Nord-Pas-de-Calais) et daté du Carbonifère (- 360 MA à - 300 MA). Ces travaux sont publiés aujourd'hui dans la revue Nature.


Aile antérieure de Aviorrhyncha magnifica (gen. et sp. nov.), plus ancien Hemiptera,
Carbonifère supérieur, Avion, France.
© A. Nel

Les insectes du Carbonifère ont longtemps été regardés comme exceptionnels du fait de leur gigantisme supposé et de l'existence de lignées aujourd'hui disparues, comme les Paléodictyoptères, toujours d'assez grande taille et dont certaines espèces possédaient trois paires d'ailes (3).


Mais les nouveaux fossiles découverts bouleversent la vision des écosystèmes de cette période ancienne ; ils comprennent les plus anciens représentant des Hémiptères (punaises et cigales), des Coléoptères (scarabées etc.) et des Hyménoptères (guêpes et fourmis), groupes qui constituent une part très importante des espèces connues actuellement sur Terre.

Au sein de cette faune fossile, se trouvent des Holométaboles qui n'étaient, pour la plupart, signalés à ce jour que de la période permienne (4) (période qui a suivi le Carbonifère). Ces insectes qui effectuent des métamorphoses complètes et possèdent, comme les chenilles, des stades immatures très différents du stade adulte, ont connu un succès sans comparaison dans la biodiversité continentale. Ils dominent actuellement le fonctionnement des écosystèmes terrestres (pollinisation, recyclage de la matière organique dans les sols, etc.).

Ces insectes carbonifères nouvellement découverts ont aussi la particularité d'être les plus petits jamais trouvés à cette période, ce qui va à l'encontre des idées reçues sur la taille des organismes à cette époque. Les explications les plus fréquemment admises pour le gigantisme de certains insectes du Carbonifère, et du Permien qui a suivi, étaient basées sur l'augmentation significative du taux d'oxygène dans l'atmosphère lors de ces périodes. Ces nouvelles découvertes permettent de moduler cette théorie, maintenant de plus en plus discutée, en attribuant une explication écologique et non plus simplement
physiologique à ce gigantisme (absence de vertébrés prédateurs aériens et d'autres compétiteurs avant le Permien moyen).

Ces travaux confirment aussi en partie des résultats récents utilisant la biologie moléculaire qui suggèrent une apparition et une diversification très ancienne pour les principales lignées d'insectes, beaucoup plus ancienne que le registre fossile ne le démontrait auparavant.

Dans tous les cas, la carrière de l'ancienne mine d'Avion reste un gisement exceptionnel car elle a aussi livré de nombreux autres fossiles d'insectes, dont des représentants des libellules géantes, les Meganisoptera, ainsi que des fossiles de végétaux souvent avec une qualité de préservation exceptionnelle.


Notes:

(1) Insectes à métamorphoses complètes.

(2) Lignées des punaises, des psoques et des thrips.

(3) Les insectes modernes ne possèdent que deux paires d'ailes.

(4) Permien: - 300 MA à - 255 MA.


Références:

Nel, A., Roques, P., Nel, P., Prokin, A.A., Bourgoin, T., Prokop, J., Szwedo, J., Azar, D., Desutter-Grandcolas, L., Wappler, T. Garrouste, R., Coty, D., Huang, Diying, Engel, M. and Kirejtshuk, A.G. The earliest-known holometabolous insects. Nature, 16 octobre 2013. doi: 10.1038/nature12629
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