Nous mesurons en moyenne 1,70 mètre. Une taille banale, qui nous paraît normale dans notre monde à échelle humaine. Pourtant, quand on la compare à la plus petite et à la plus grande distance concevables dans l'Univers, notre taille prend une signification vertigineuse. Quel est le milieu des infinis ? Sommes-nous plus proches du minuscule ou du gigantesque ? La réponse est moins intuitive qu'il n'y paraît.
Commençons par le bas de l'échelle: l'infiniment petit. Le plus petit “morceau” d'espace théorique connu est la longueur de Planck, soit environ 1,6 × 10⁻³⁵ mètre. À cette taille, il n'est plus question d'atomes ni même de particules. Les lois de la physique que nous connaissons cessent tout simplement de s'appliquer: l'espace et le temps deviennent granuleux, comme s'ils perdaient leur continuité. C'est là que se cache peut-être la frontière ultime de la matière.
Pour se donner une idée, un atome mesure environ 10⁻¹⁰ mètre, et son noyau environ 10⁻¹⁵ mètre. Autrement dit, un noyau atomique est déjà environ cent milliards de milliards de fois plus grand que la longueur de Planck. Si nous pouvions grossir un proton jusqu'à la taille du Système solaire, la longueur de Planck serait alors de l'ordre du virus. C'est à cette échelle que les physiciens pensent que la gravité et la mécanique quantique se rejoignent.
À l'autre bout du spectre se trouve l'infiniment grand. L'Univers observable, c'est-à-dire tout ce dont la lumière a pu nous parvenir depuis le Big Bang, a un rayon d'environ 4,4 × 10²⁶ mètres, soit 46,5 milliards d'années-lumière, ou 93 milliards en diamètre. C'est une sphère colossale de galaxies, de vide, de matière et d'énergie noires. Et ce n'est probablement qu'une portion de l'Univers total, bien plus vaste, peut-être infini.
Entre la longueur de Planck (10⁻³⁵ m) et l'Univers observable (8,8 × 10²⁶ m), il existe donc une échelle de 10⁶¹ ordres de grandeur. Autrement dit, on doit multiplier la plus petite longueur par un 1 suivi de 61 zéros pour atteindre la plus grande. Et l'être humain, avec ses 1,70 mètre, se situe quelque part entre les deux. Mais où exactement ?
On remarque qu'à l'ordre du mètre, nous sommes environ 10³⁵ fois plus grands que la longueur de Planck et environ 10²⁶ fois plus petits que l'Univers observable. En d'autres termes, notre taille se trouve à 35 ordres de grandeur au-dessus du plus petit et à 26 ordres en dessous du plus grand. Cela signifie que nous sommes bien plus proches du gigantesque que du minuscule.
Ce qui compte, c'est l'échelle logarithmique — c'est-à-dire une échelle où chaque cran correspond à un facteur 10 — et nous sommes alors que légèrement décalés vers le “grand”. Si l'on cherchait le milieu entre les deux extrêmes, il se situerait autour de 10⁻⁴ mètre, soit environ 0.1 millimètre: l'épaisseur d'un cheveu humain.
L'épaisseur d'un cheveu: voici donc le milieu des deux infinis, sur une échelle logarithmique, et que nous pouvons distinguer à l'œil nu. Nous, avec nos 1,70 mètre, sommes alors environ 17 000 fois plus grands que ce “centre de l'Univers des tailles”.
Le milieu des infinis sur une échelle logarithmique: le cheveu.
Image d'illustration Pixabay
Ce vertige des échelles nous rappelle à quel point notre perception est limitée. Nous vivons à une taille où nous percevons certaines lois de la physique, que l'on dit “classiques”, là où nous pouvons saisir des objets, marcher, respirer. Du grain quantique subatomique aux amas de galaxies, nous avons notre place au milieu du vertige cosmique. L'homme n'est pas perdu entre deux extrêmes: il est un lien conscient entre le rien et le tout.