Les virus possèdent une redoutable capacité à pénétrer dans nos cellules pour s'y multiplier, déclenchant ainsi des maladies. Pourtant, une équipe de l'Université d'État de Washington vient de montrer qu'en visant une unique interaction moléculaire parmi des milliers, il est possible de bloquer totalement ce processus d'entrée. Cette approche ouvre la voie à de nouvelles méthodes pour contrer des infections.
Ces travaux, publiés dans la revue
Nanoscale, réunissent des ingénieurs et des microbiologistes. Ils ont concentré leurs efforts sur une protéine virale spécifique, essentielle aux virus. Cette protéine, dite de fusion, agit comme une clé permettant au virus de s'accrocher à la cellule puis de fusionner avec elle pour y pénétrer (explication en fin d'article).
Image d'illustration Pixabay
Face à l'architecture détaillée de cette grande protéine, les chercheurs ont eu recours à l'intelligence artificielle. Des simulations à l'échelle moléculaire ont permis d'analyser des milliers d'interactions possibles entre les acides aminés qui la composent. Un algorithme et des techniques d'apprentissage automatique ont ensuite isolé la connexion la plus importante pour le succès de l'infection.
L'étape suivante a consisté à vérifier cette prédiction en laboratoire. En modifiant génétiquement le virus pour altérer cet unique acide aminé identifié, les expériences ont confirmé que le pathogène devenait incapable de fusionner avec les membranes cellulaires. L'infection était ainsi stoppée net, validant le rôle central de cette interaction.
Cette méthode combinant simulations et expérimentation représente un gain de temps considérable. Comme l'explique Jin Liu, professeur et auteur correspondant, tester chaque interaction en laboratoire prendrait des mois, voire des années. Le travail computationnel guide efficacement les recherches vers les cibles les plus prometteuses.
Bien que cette découverte soit encourageante, elle soulève également de nouvelles questions. Les scientifiques cherchent maintenant à comprendre comment un changement aussi localisé influence la structure globale de la grande protéine de fusion. Ils poursuivent leurs simulations pour éclaircir ces mécanismes à plus grande échelle.
Les protéines de fusion: la clé d'entrée des virus
Les virus ne peuvent pas se reproduire seuls. Ils doivent absolument entrer dans une cellule hôte pour détourner sa machinerie et produire de nouvelles copies d'eux-mêmes. Pour cela, de nombreux virus, comme ceux de l'herpès, de la grippe ou du VIH, utilisent des protéines spéciales à leur surface appelées protéines de fusion.
Ces protéines agissent comme des mécanismes élaborés de reconnaissance et d'ouverture. Dans un premier temps, elles se lient à des récepteurs spécifiques situés sur la membrane de la cellule cible. Cette liaison déclenche ensuite un changement majeur dans la forme de la protéine virale.
Ce changement de conformation est l'étape décisive. Il permet à la membrane du virus et à celle de la cellule de se rapprocher extrêmement près, puis de fusionner. Une fois cette fusion accomplie, le matériel génétique du virus peut être injecté à l'intérieur de la cellule, initiant l'infection.
Comprendre la structure et le fonctionnement précis de ces protéines est donc un enjeu majeur. Bloquer leur action, soit en empêchant la liaison initiale, soit en perturbant le changement de forme, constitue une stratégie antivirale puissante pour neutraliser le virus avant même qu'il ne pénètre.
L'intelligence artificielle au service de la biologie
La biologie moderne génère des quantités astronomiques de données, notamment sur la structure des molécules comme les protéines. Analyser manuellement toutes les interactions possibles entre les milliers d'atomes qui les composent est une tâche quasiment impossible. C'est là qu'interviennent l'intelligence artificielle (IA) et le machine learning.
Ces technologies informatiques peuvent être entraînées à reconnaître des motifs et à effectuer des prédictions. Dans le cas de cette étude, les chercheurs ont d'abord créé un modèle informatique détaillé de la protéine virale. Des algorithmes ont ensuite examiné toutes les forces et liaisons entre ses différents acides aminés.
Le machine learning a permis de traiter cette masse de données pour identifier quelles interactions étaient les plus stables ou les plus déterminantes pour la fonction de la protéine. Il a ainsi pu 'apprendre' à distinguer le 'bruit de fond' des connexions réellement essentielles au processus d'infection.
Cette approche transforme la recherche. Au lieu de procéder par essais et erreurs longs et coûteux en laboratoire, les scientifiques peuvent désormais utiliser l'IA pour cibler rapidement les éléments les plus prometteurs à tester expérimentalement, accélérant ainsi considérablement le rythme des découvertes.