La fonte de la calotte glacière du Groenland s'accélère et l'année 2012 apparaît déjà comme une année record en matière de dégel. Les conséquences potentielles de cette fonte sur le climat et la montée des océans sont telles que, depuis plusieurs années, l'île du Groenland et sa calotte glacière font l'objet d'une surveillance étroite par les chercheurs. Parmi ceux-ci, Xavier Fettweis, chercheur en climatologie à l'Université de Liège, a mis au point un modèle mathématique étudiant les différents scénarios possibles. Si ce modèle confirme l'accélération de la fonte, par contre il ne prend pas encore en considération un phénomène qui vient d'être révélé dans la revue
Nature par des chercheurs américains travaillant en partie à partir des sorties du modèle conçu par Xavier Fettweis.
Dans cette publication, les chercheurs américains (des universités du Colorado, du Wyoming et du Montana) soulignent le rôle important d'une zone dite "de percolation": l'eau de fonte ne rejoint pas directement les océans mais s'infiltre dans les espaces vides de la couche de neige, y reste et regèle en hiver. Ce phénomène ne contredit pas les prévisions des modèles de Xavier Fettweis mais en postpose d'une dizaine d'années au plus la réalisation. Pendant ce laps de temps, la contribution du Groenland à la hausse du niveau des mers est, en partie du moins, compensée par le stockage de l'eau dans le manteau neigeux de l'île.
"Dans mon modèle, explique Xavier Fettweis, je considère que si la quantité d'eau liquide présente dans le manteau neigeux est supérieure à 7%, l'eau de fonte s'écoule vers l'océan. Or, les Américains montrent que certaines zones de la calotte ont une capacité de stockage beaucoup plus élevées."
Si beaucoup de doute subsistent, il est certain néanmoins que la calotte du Groenland contribuera de manière significative à l'élévation du niveau des mers. "Tous les effets y contribuent, poursuit Xavier Fettweis. En fondant, la calotte perd de l'altitude et se réchauffe, ce qui accélère la fonte. La neige qui fond se salit et absorbe plus d'énergie, ce qui emballe également la fonte." Tout contribue à la fonte mais celle-ci s'étalera cependant sur plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d'années avant de voir disparaître la calotte du Groenland.
Coupe synthétique ouest-est du Groenland: certaines zones de la calotte sont plus propices aux chutes de neige qu'à la fonte, et inversement. Au sommet, la "zone d'accumulation" bénéficie d'importantes chutes de neige, tandis que la "zone d'ablation", plus basse en altitude, se consume en fondant et en "vêlant" des icebergs dans l'océan.
Illustration: Université de Liège
2012: une année charnière ?
Depuis 4 millions d'années, la pérennité de la calotte glacière du Groenland est assurée par des chutes de neige qui s'accumulent au centre de l'île et se transforment en glace. Jusqu'il y a peu, le bilan entre les gains (les chutes de neige) et les pertes (la fonte des glaces, le détachement d'icebergs) de masse était proche de zéro et la calotte était à l'équilibre. Malgré l'extension constante de la zone de fonte, la calotte se maintient en équilibre grâce à la dynamique des glaces, qui redistribue la masse neigeuse accumulée au centre vers les bords de la calotte.
Cependant les fontes record observées ces derniers mois en 2012 (qui trouvent pour origine non seulement le réchauffement climatique mais aussi une modification de la circulation atmosphérique estivale) font craindre un renversement de situation. En août 2012, le bilan de masse en surface du Groenland a atteint le minimum absolu enregistré depuis au moins 50 ans. L'équilibre est rompu, la fonte et le détachement d'icebergs dépassant les arrivages de neige. Les conditions atmosphériques des prochains mois seront dès lors déterminantes pour le bilan de masse 2012, qui pourrait s'avérer significativement en déséquilibre global pour la première fois de l'histoire du Groenland.
Référence:
Harper, J., Humphrey, N., Pfeffer, W.T., Brown J. , X. Fettweis, "Greenland Ice Sheet Contribution to Sea Level Rise Buffered by Meltwater Storage in Firn", Nature, doi: 10.1038/nature11566, 2012.
Pour plus d'information voir: http://reflexions.ulg.ac.be/cms/c_34035 ... -groenland