Les graines représentent notre source d'alimentation primaire, mais la manière dont les compartiments constituant ces structures complexes communiquent entre eux pendant leur développement, reste peu comprise. Une équipe du laboratoire Reproduction et développement des plantes de l'ENS Lyon, en collaboration avec le "Bordeaux Imaging Centre", montre qu'une couche particulière dans l'enveloppe de la graine est capable de détecter et de répondre à la pression interne générée par la croissance de l'embryon et de l'albumen, et par ce biais de réguler la taille finale de la graine. Cette étude est publiée dans la revue
Nature Communications.
Figure: Illustration d'une graine d'Arabidopsis thaliana au cours du développement. Les trois compartiments, embryon, albumen et enveloppe, sont indiqués, ainsi que la couche mécano-sensible identifiée au cours de cette étude (en rouge). Cette couche répond à l'étirement (flèche orange) imposée par la pression interne due à la croissance de l'albumen et de l'embryon (flèches rouges), en renforçant sa paroi interne (ligne noire discontinue). Par ce biais l'enveloppe exerce une contrainte (flèches jaunes) sur la croissance de la graine et donc limite sa taille finale.
© Gwyneth Ingram
La plupart des calories que vous consommez sont issues des graines (pensez au pain, au riz, aux pâtes, à l'huile végétale ou alors, à la nourriture des animaux de ferme que nous consommons par la suite). Mais vous êtes vous jamais posé la question de savoir comment se forment ces petites boules d'énergie? La graine est une structure complexe qui contient l'embryon (une plante bébé qui se développe à partir d'une cellule oeuf fertilisée) et un tissu appelé "albumen" (qui agit un peu comme un placenta en absorbant les substances nutritives de la mère et les conduisant vers l'embryon). Le tout est entouré par une enveloppe composée de couches de cellules d'origine maternelle. Ces structures sont organisées comme des poupées russes, l'une dans l'autre, mais on comprend mal comment elles communiquent entre elles pour coordonner leur croissance.
Les chercheurs ont visualisé les réponses cellulaires (notamment celles du cytosquelette), et structurales (au niveau de la structure et de la composition des parois), aux stress mécaniques dans les graines vivantes de la plante modèle
Arabidopsis thaliana. En combinant ces approches avec l'exploitation à la fois de mutants affectés dans le développement de l'albumen, et de l'origine multigénérationnelle des tissus de la graine (l'enveloppe étant issue de la plante mère alors que l'embryon et l'albumen représentent sa progéniture), les chercheurs ont pu identifier une couche cellulaire spécifique de l'enveloppe, qui répond à l'étirement généré par la croissance de l'embryon et de l'albumen en renforçant sa paroi pour la rendre moins élastique, limitant ainsi l'expansion de la graine.
Les contraintes physiques sont reconnues comme étant des facteurs importants dans le développement des plantes, mais leur action au niveau moléculaire reste relativement difficile à étudier. Les auteurs de cette étude ont profité de la composition unique de la graine pour identifier un gène dont l'expression dans la couche mécano-sensible de l'enveloppe répond à la fois à la pression interne de la graine et aux stress externes imposés sur les graines en développement par les chercheurs. Ce gène code pour une enzyme impliquée dans la dégradation d'un régulateur de croissance important chez les végétaux, l'acide gibbérellique. Ce travail montre donc, pour la première fois, que le stress mécanique pourrait influencer la croissance, en partie par la stimulation d'une baisse des niveaux d'acide gibbérellique, au moins dans les graines.
Ces résultats représentent une base nouvelle pour comprendre comment les cellules végétales peuvent "sentir" les stress mécaniques et un pas en avant dans la compréhension de la régulation de la taille des graines.