Depuis que la sismologie a révélé, au cours des dernières décennies, les propriétés singulières de la graine, l'attention de la communauté internationale et en particulier des équipes françaises s'est focalisée pour en déceler les causes. Une équipe franco américaine publie dans la revue Nature une étude théorique et expérimentale qui explique l'existence d'une couche dense à la surface de la graine par une convection par translation équatoriale très particulière de la graine.
La graine est l'objet le plus profond et inaccessible de notre planète. Boule métallique baignant dans du métal en fusion (le noyau liquide), elle croît lentement au dépend du liquide qui l'entoure par cristallisation du fer, du simple fait que la Terre se refroidit. Par sa position dans un liquide, par son mode de croissance, on imaginait que la graine était une sorte d'énorme boule de pétanque chaude et l'on s'interrogeait sur le fait qu'elle puisse ou non être animée en son intérieur par de la convection.
Représentation schématique de la convection par translation équatoriale.
Le centre de la graine O est décalé d'une distance d du centre de la Terre C, ce qui provoque fusion d'un côté,
cristallisation de l'autre. Dans le cas d'un régime superadiabatique un gradient de température se développe
représenté par le dégradé de gris. Il en résulte des changements de densité
eux-mêmes responsables du décalage de la graine.
Toutes les ondes sismiques n'atteignent pas la graine et ne la traversent pas, mais celles qui le font ont pu être enregistrées et analysées par les sismologues. Elles ont révélé deux particularités inattendues: les ondes sismique traversent la graine plus rapidement selon la direction nord-sud que est-ouest (on parle d'anisotropie sismique) et plus étrange encore l'hémisphère est n'a pas tout à fait les mêmes propriétés de propagation des ondes sismiques que l'hémisphère ouest. Enfin, autour de la graine, à la base du noyau liquide, il y aurait une couche plus dense épaisse de 250 km qui ralentit les ondes sismiques. On ignore sa composition, mais elle pourrait résulter d'un déficit d'éléments plus légers que le fer. Ce constat étant fait, reste aux théoriciens et modélisateurs à expliquer ces propriétés de la graine.
Expérience qui met en évidence la croissance d'une couche dense d'eau salée.
La cuve est initialement remplie d'une solution à 4% de NaCl, on y injecte au fond par un côté
une solution moins salée (1,65%) et par l'autre côté une solution plus salée (6%).
Une couche dense se développe visualisée en haut par du permanganate, en bas par l'indice de réfraction.
La méthode optique révèle aussi au milieu des jets convectifs (plumes).
Dans cette étude les auteurs montrent qu'une telle couche dense se forme du fait d'un processus de cristallisation-fusion se produisant à la surface de la graine, lui-même associé à une convection thermique de la graine caractérisée par une translation ouest-est des grains de fer qui la constituent. Lors de la cristallisation les éléments plus légers restent dans le liquide. Lors de la fusion c'est un liquide plus dense qui se forme et contribue à cette couche particulière, observée par la sismologie, qui ne se mélange pas entièrement avec le noyau liquide comme le démontrent les auteurs dans une expérience analogique (voir illustration).
Quant au mode convectif de l'intérieur de la graine par translation, il se démontre théoriquement dès que l'on suppose que la graine se refroidit légèrement moins vite que le noyau liquide (graine superadiabatique). Une petite translation dans une direction produit un gradient de température (donc de densité) dans cette même direction et le nouvel équilibre gravitationnel induit un petit décalage de la graine vers l'est. L'interface de la graine se trouve alors en déséquilibre thermodynamique conduisant à une fusion de la face est et une cristallisation accrue de la face ouest, nourrissant ainsi la translation initialement supposée.
Par ce mode qui fait que la graine cristallise d'un côté, fond de l'autre avec le liquide de fusion qui se répand sur la graine pour former la couche dense, les auteurs estiment qu'il faut 100 millions d'années pour que la graine soit entièrement renouvelée. Ce qui est à comparer au milliard d'années qu'il aura fallu pour que la graine atteigne son rayon actuel de 1200km.