Des galaxies "cachées" responsables de 80% du fond de rayonnement diffus infrarouge remplissant le ciel viennent d'être identifiées, grâce à une nouvelle méthode indirecte d'analyse des données du satellite Spitzer de la NASA. Ce résultat, obtenu par une équipe internationale de chercheurs conduite par Hervé Dole de l'Institut d'Astrophysique Spatiale (CNRS, Université Paris-Sud 11), est important pour la compréhension des processus physiques impliqués dans la formation et l'évolution des galaxies. L'étude sera publiée prochainement dans la revue Astronomy & Astrophysics.
Résultats de l'analyse d'empilement sur le fond extragalactique infrarouge
(Voir légende en fin)
L'Univers baigne dans un rayonnement diffus composé de photons radios et infrarouges. Le rayonnement radio, appelé rayonnement fossile, est très intense et a été produit aux époques les plus anciennes de l'histoire de l'Univers. Le rayonnement infrarouge, ou fond diffus extragalactique, a quant à lui pour origine la lumière émise par les galaxies depuis leur formation. Il a été découvert il y a 10 ans grâce au satellite COBE (NASA) par une équipe de l'IAS menée par Jean-Loup Puget. Mais ce rayonnement diffus provient de galaxies dont la plupart restaient invisibles aux télescopes. La quête de ces galaxies "cachées" s'est donc engagée, dans l'espoir d'améliorer les connaissances sur les processus physiques aboutissant à la formation et à l'évolution des galaxies.
Des chercheurs de l'Institut d'Astrophysique Spatiale et de l'Université de l'Arizona viennent d'obtenir, grâce au photomètre multibande MIPS du satellite Spitzer de la NASA, les images parmi les plus profondes jamais prises dans l'infrarouge, principalement aux longueurs d'ondes de 24 microns et dans l'infrarouge lointain, à 70 et 160 microns. Grâce aux images à 24 microns, l'équipe a identifié près de 20.000 galaxies, dont certaines de flux apparents très faibles, et donc potentiellement très lointaines. En revanche, presque aucune galaxie n'était détectée sur les images dans l'infrarouge lointain. Or c'est dans ce domaine que les chercheurs pensaient trouver le rayonnement diffus infrarouge le plus intense.
Méthode d'analyse par empilement
(Voir légende en fin)
Les chercheurs ont décidé d'additionner sur les ordinateurs de l'IAS les images de plusieurs centaines à plusieurs milliers de galaxies détectées à 24 microns, afin d'obtenir des sources lumineuses beaucoup plus intenses que le rayonnement individuel de chacune des galaxies. L'équipe a répété cet empilement mais dans l'infrarouge lointain, où les galaxies sont invisibles individuellement. Les mêmes sources y ont été détectées, et constituent la signature recherchée dans l'infrarouge lointain des galaxies "cachées".
L'analyse précise des images finales a révélé que ces galaxies sont très puissantes. En comptabilisant toute leur énergie, H. Dole et son équipe ont montré qu'elles sont responsables de 80% du fond diffus infrarouge. L'étude a aussi montré que la majorité de ces galaxies sont "à flambée de formation d'étoile": contrairement à notre Voie Lactée qui forme peu d'étoiles en moyenne, ces galaxies forment, dans des épisodes violents, plusieurs dizaines de masses solaires d'étoiles par an. Il incombera aux prochains satellites astronomiques de trouver les galaxies qui composent les 20% restants, et qui seront peut-être les galaxies primordiales tant recherchées par les scientifiques.
Légendes des illustrations:
Résultats de l'analyse d'empilement sur le fond extragalactique infrarouge:
L'empilement d'environ 1800 galaxies faibles dans l'infrarouge à 24 microns de longueur d'onde (à gauche, coloré en bleu) a permis de détecter les galaxies "invisibles" (car non détectées individuellement) en infrarouge lointain à 70 microns (milieu, vert) et 160 microns (droite, rouge) de longueur d'onde. Ce signal significatif (au centre des deux images de droite) est la signature recherchée des galaxies "cachées" qui contribuent le plus au rayonnement de fond extragalactique infrarouge.
Méthode d'analyse par empilement utilisée par Dole et son équipe:
Les chercheurs sélectionnent les galaxies à 24 microns (colonne de gauche). Puis ils sélectionnent les mêmes zones du ciel où aucune galaxie n'est visible à 70 et à 160 microns (colonne du milieu et de droite). En empilant toutes les images ils détectent la signature des galaxies "cachées".