Le 14 janvier 2005, la sonde Huygens a plongé dans l'atmosphère de Titan tout en envoyant à la Terre, via Cassini, des données scientifiques et des images renversantes. Elle s'est posée sur la surface de la lune de Saturne et a transmis ses signaux pendant de longues heures. L'exploitation des données est en cours et une question parmi tant se pose: d'où provient tout le méthane sur Titan ? Quels processus géologiques, chimiques ou biologiques en sont à l'origine ?
D'où provient le méthane sur Titan ?
Les scientifiques vont essayer de découvrir une signature chimique de la vie en analysant les données renvoyées par la sonde Huygens depuis Titan afin d'identifier la provenance du méthane sur cette lune. Le méthane étant constamment détruit par la lumière ultra violette, il doit bien exister une source sur ou dans Titan pour compléter son niveau de l'atmosphère.
Or, et bien que certains pensent cela peu probable, la vie est une éventuelle source de cet hydrocarbure si elle est liée avec certains des processus géologiques. La surface est trop froide pour une présence biologique, mais des microbes pourraient très bien survivre dans un océan sur Titan. Le méthane pourrait être également dégagé par une forme emprisonnée dans une matrice glacée appelée clathrate, ou bien encore produit par un processus géologique appelé la "serpentinisation". Ni l'un ni l'autre de ces deux derniers processus ne concerne cependant la biologie.
Dominé par l'azote, le méthane et d'autres molécules organiques (chimie de carbone), on pense que Titan pourrait ressembler à une version "surgelée" de la terre il y a 4.6 milliards d'années. Il pleut ou il a plu du méthane liquide sur Titan et un réseau fluvial existe, découpé entre des collines de glace (glace d'eau). Les réservoirs de cet hydrocarbure peuvent donc exister en affleurement ou juste en dessous de la surface. Mais les rayons UV détruiraient tout le méthane sur Titan dans un délai de 10 millions d'années si celui-ci n'était pas constamment renouvelé.
"Nous ne pouvons pas dire qu'il n'y a absolument aucune chance que la vie existe" a indiqué à la BBC, le Dr. Francois Raulin, un des trois scientifiques interdisciplinaires de la mission Huygens.
"Il n'y a aucune chance pour une vie sur la surface parce qu'il y fait trop froid et qu'il n'y a aucune eau liquide. Cependant, les modèles décrivant l'intérieur de Titan montrent qu'il pourrait exister un océan situé de 100km à 300km sous la surface. Si ces modèles sont corrects, cet océan se composerait principalement d'eau liquide contenant 15 % d'ammoniaque à une température voisine de -80°C" précise le Dr. Raulin.
"Nous avons de l'eau liquide, des produits organiques pas trop loin ; nous avons toutes les conditions sur Titan pour que la vie soit possible", explique-t-il.
Les travaux sont en cours
Si des microbes produisant du méthane avaient colonisé cette zone habitable, les scientifiques pourraient détecter leur signature chimique en examinant la proportion de deux formes (ou isotopes) du carbone, le Carbone 12 et le Carbone 13. Les cellules vivantes assimilent préférentiellement le Carbone 12. Ainsi des composés produits par des êtres vivants devraient être moins riches en isotopes "plus lourds" tels que le Carbone 13 ; on dit qu'ils ont un taux C12/C13 élevé. Les scientifiques devraient pouvoir mesurer ce taux dans les données renvoyées par le spectromètre de masse (GCMS) de Huygens.
"Le GCMS peut directement détecter le taux du carbone C12/C13. Nous allons prochainement travailler sur ce sujet" a indiqué Sushil Atreya, professeur de science planétaire à l'université du Michigan aux USA, et membre de l'équipe de GCMS. "C'est un facteur dont nous devons tenir compte pour comprendre la façon dont le méthane se renouvelle."
Cependant, le professeur Atreya est plus favorable au processus géologique de serpentinisation comme source la plus probable de la présence de méthane sur la lune de Saturne. Dans ce processus, l'activité géothermique produit du méthane par oxydation des métaux tels que le fer, le chrome et le magnésium qui pourraient être contenus dans des roches de la croûte située sous la surface de Titan. Enfin, une autre possibilité est que des molécules de méthane soient simplement emprisonnées dans une espèce de matrice d'eau en glace appelée clathrate (ou hydrate de méthane).
Le Dr. Raulin considère également ces processus géologiques comme des sources viables de méthane sur Titan.