Filtrer les aimants électroniques élémentaires avec une molécule organique et non magnétique
Des physiciens viennent de proposer d'utiliser une molécule organique et non magnétique unique comme filtre à spin électronique. En modélisant la conduction électronique par une molécule de polythiophène connectant deux électrodes magnétiques, ces chercheurs ont montré théoriquement que ce système ne laisse passer que les électrons dont le spin pointe dans une direction donnée
Illustration du phénomène de blocage de spin par un fil moléculaire non magnétique entre deux électrodes ferromagnétiques.
© Alexander Smogunov – SPEC (UMR 3680 CNRS/CEA Saclay)
Afin d'utiliser pour le traitement de l'information non seulement la charge électrique des électrons, mais aussi l'aimant élémentaire qu'ils constituent, les chercheurs développent des dispositifs électroniques sensibles à cet aspect magnétique du courant électrique, on parle alors de spintronique. Jusqu'à présent, pour l'élaboration de ces dispositifs, le choix s'était naturellement porté sur des composés magnétiques. Des physiciens du Service de physique de l'état condensé - SPEC (CNRS/CEA) viennent de montrer que ce n'est pas nécessaire.
En s'appuyant sur des propriétés de symétrie, ils ont montré qu'il est possible de réaliser des dispositifs sensibles au spin des électrons en alliant des électrodes magnétiques et des composés non magnétiques, en l'occurrence dans ce travail deux électrodes à base de nickel, et un brin de molécule organique à base de carbone, soufre et hydrogène. Ils ont montré que pour une tension bien choisie, une seule population d'électrons, tous orientés dans la même direction, traverse ce dispositif, ce qui réalise un filtre à spin. Ce travail est publié dans la revue Nano Letters.
Pour ce travail théorique, les chercheurs ont effectué un calcul ab initio de la structure électronique d'une jonction moléculaire de polythiophène entre deux électrodes de Nickel. Si la modélisation théorique permet d'avoir le détail des propriétés de conduction de cette jonction, le résultat principal est une conséquence de l'articulation entre les propriétés magnétiques, les propriétés associées au moment angulaire, et les considérations de symétrie sur les orbitales atomiques du Nickel et des orbitales moléculaires.
Tout d'abord, le moment magnétique c'est-à-dire la direction de l'aimant élémentaire que constitue l'électron est aligné avec le spin, qui correspond à l'axe de l'équivalent d'une rotation propre de l'électron sur lui même. Dans un ferromagnétique, suite au couplage entre le spin et le moment cinétique associé au mouvement orbital de l'électron autour des noyaux, il se trouve que les électrons de spin majoritaires sont uniquement présents dans les orbitales de symétrie sphérique, ce qui n'est pas le cas pour les électrons de spin minoritaire. Pour des raisons de symétrie, les orbitales à symétrie sphérique s des électrodes ne se couplent pas aux orbitales moléculaires ? contribuant à liaison électrode-molécule. Les électrons de spin majoritaires ne peuvent donc pas transiter et sont bloqués par la molécule. Ce n'est pas le cas des électrons minoritaires qui eux sont présents dans les orbitales des électrodes qui sont couplées à celles de la molécule.
Un autre effet intéressant réside dans la magnétorésistance du système, qui caractérise la variation de courant avec l'orientation relative de l'aimantation des deux électrodes ferromagnétiques. Dans le cas présent, lorsque l'aimantation des deux électrodes est parallèle, un courant de spins minoritaires traverse toute la jonction. Dans le cas antiparallèle, ce même courant de spins minoritaires traverse la première interface électrode-molécule, mais se retrouve bloqué à la deuxième du fait de l'inversion d'aimantation et du non-couplage entre états ? et s.
Pour plus d'information voir:
Symmetry-derived half-metallicity in atomic and molecular junctions