L'étoile à neutron située à l'intérieur de la Nébuleuse du Crabe pourrait posséder quatre pôles magnétiques, plutôt que les deux habituels que n'importe quel autre objet astronomique connu possède.
Une étoile à neutron est le cadavre stellaire dense que laisse derrière elle une étoile relativement massive qui explose en supernova. Certaines d'entre elles, comme celle située au cœur de la Nébuleuse du Crabe, sont appelées des pulsars car elles émettent des impulsions radio régulières que les astronomes peuvent détecter (voir aussi notre
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La Nébuleuse du crabe qui s'étend sur 6 années-lumière est le vestige
d'une étoile qui a explosé il y a presque 1000 ans,
laissant derrière elle une étoile à neutron exceptionnelle
qui pourrait posséder quatre pôles
Les scientifiques pensent que les impulsions des pulsars résultent de faisceaux d'énergie émis depuis les pôles magnétiques de l'astre et qui balaient la Terre tandis que l'étoile tourne comme un phare. Habituellement on ne peut observer que le faisceau en provenance d'un seul pôle, mais parfois un second signal, plus faible, peut être détecté si le faisceau de l'autre pôle pointe vers la Terre quand ce dernier devient visible. Le pulsar du Crabe est connu depuis longtemps pour manifester de faibles impulsions secondaires.
Des observations d'un détail sans précédent ont désormais montré que les impulsions primaires et secondaires sont radicalement différentes et font douter les scientifiques qu'elles proviennent simplement de pôles magnétiques opposés. Au contraire, certains astronomes spéculent que les impulsions secondaires soient liées à un couple supplémentaire de pôles magnétiques.
Des propriétés différentes
Tim Hankins de l'institut du Nouveau-Mexique et son équipe ont observé le pulsar du Crabe à l'aide de l'observatoire d'Arecibo à Porto Rico. Leurs analyses se sont focalisées sur les impulsions primaires et secondaires les plus puissantes et qui pouvaient être observées avec le plus de précision.
Entre autres différences, les impulsions primaires montrent un spectre assez lisse, alors que l'énergie des impulsions secondaires n'est concentrée que sur quelques bandes de fréquence radio très distinctes. De plus, les impulsions ont des durées différentes. Les impulsions primaires sont constituées par des séries d'impulsions courtes, chacune durant moins d'une nanoseconde, alors que les impulsions secondaires se composent d'un signal relativement régulier qui dure plusieurs microsecondes.
Ces résultats sont étonnants, selon Hankins, puisque, hormis leur polarité, les propriétés de chacun des membres d'un couple de pôles magnétiques devraient être exactement identiques, induisant des émissions radio identiques. Par contre, si le pôle produisant les impulsions secondaires appartenait à une paire différente, tout devient plus facile à expliquer.
"Nous pensons donc qu'il existe un autre pôle: nous avons devant nous un champ magnétique beaucoup plus complexe que le modèle magnétique simple du dipôle", affirme le chercheur. "De plus, il existe vraisemblablement un associé à ce troisième pôle, puisque les pôles magnétiques viennent toujours par paire."
Selon la théorie, les champs magnétiques d'une étoile à neutron sont "figés" lorsque la supernova explose. Hankins pense que cela laisse supposer que l'étoile à neutron du Crabe possède ces quatre pôles parce qu'elle s'est effondrée de façon complexe, peut-être asymétriquement.
Un enthousiasme à modérer
David Thompson du centre Goddard de la NASA, qui n'appartient pas à l'équipe, indique qu'il pourrait y avoir d'autres explications aux observations. Il indique que certains modèles théoriques ont précédemment essayé d'expliquer les impulsions primaires et secondaires comme provenant des bordures avant et arrière du cône d'émission d'un pôle magnétique unique. Il précise toutefois que les nouvelles observations présentent une telle disparité entre les deux types d'impulsions qu'elles sont plus en conformité avec l'émission de deux pôles séparés. Néanmoins, il pense qu'il est encore trop tôt pour conclure si ces deux pôles appartiennent à deux paires différentes nord/sud ou font partie de la même paire.
L'objet le plus petit jamais observé
Les observations ont révélé une autre surprise. Selon Hankins, une impulsion de l'émission primaire, qui ne dure que 0,4 nanoseconde, pourrait être émise depuis une zone extrêmement petite de seulement 12 centimètres de large, dans laquelle un nuage de plasma est enfermé au-dessus de la surface de l'étoile à neutron. Si cette conclusion est correcte, ce point de la taille d'un pamplemousse serait l'objet individuel le plus minuscule jamais observé en astronomie.
Les résultats des travaux des chercheurs ont été présentés cette semaine lors du congrès de la Société Astronomique Américaine de Seattle.