Michel - Mercredi 23 Novembre 2005

Dans l'espace, les ordinateurs aussi doivent résister aux radiations

Il est en général très frustrant de voir son ordinateur se comporter de manière erratique, quand il malmène les données ou qu'il tombe complètement en panne. Mais pour un astronaute qui fait confiance à son ordinateur pour la navigation de son vaisseau et le maintien des systèmes vitaux, ces problèmes peuvent devenir fatals.

Malheureusement, les radiations spatiales sont susceptibles de déclencher de tels problèmes. Quand les particules à grande vitesse, tels que les rayons cosmiques, entrent en collision avec les circuits microscopiques des puces, elles peuvent provoquer des erreurs de comportement. Cela devient grave si ces erreurs envoient le vaisseau spatial dans une mauvaise direction ou perturbent ses systèmes vitaux.

Des composants durcis


Pour assurer la sécurité, la plupart des missions spatiales utilisent des puces durcies qui diffèrent des puces normales de bien des façons. Par exemple, elles contiennent des transistors supplémentaires qui demandent plus d'énergie pour commuter. Les rayons cosmiques ne peuvent pas les déclencher facilement. Les puces durcies continuent à effectuer des calculs précis quand les puces normales pourraient rencontrer des problèmes.


La NASA compte presque exclusivement sur ces puces "longue durée" pour valider ses ordinateurs. Mais ces puces faites sur commande ont quelques mauvais cotés: Elles sont très chères, gourmandes en énergie et lentes: pas moins que 10 fois plus lente que l'unité centrale d'un PC de bureau moderne. Les planificateurs des futures missions vers la Lune et Mars aimeraient donner à leurs vaisseaux spatiaux plus de puissance de calcul.

Des transmissions encombrées


Avoir plus de puissance de calcul à bord aiderait le vaisseau spatial à économiser une des ressources les plus limitées: la bande passante dans les télécommunications. La largeur de bande disponible pour émettre des données vers la Terre est un goulot d'étranglement, avec des vitesses de transmission souvent inférieure à celle des vieux modems téléphoniques RTC. Si les données brutes recueillies par les capteurs du vaisseau pouvaient être directement traitées à bord, les scientifiques pourraient n'émettre que les résultats, ce qui soulagerait les transmissions.

Sur la surface de la Lune ou de Mars, les explorateurs pourraient utiliser des ordinateurs rapides pour analyser leurs données juste après les avoir recueillies, identifier rapidement les zones d'intérêt scientifique et peut-être ainsi recueillir plus de données. Les robots d'exploration pourraient bénéficier, eux aussi, de l'intelligence supplémentaire des CPU modernes. Utiliser les mêmes puces Pentium ou PowerPC, puissantes et peu coûteuses, que l'on trouve dans les ordinateurs personnels actuels serait d'un grand secours, mais pour cela, le problème des erreurs induites par les radiations doit être résolu.

Eliminer les erreurs


C'est là qu'intervient un projet de la NASA appelé EAFTC (Environmentally Adaptive Fault-Tolerant Computing). Les chercheurs travaillant sur le projet expérimentent les façons d'utiliser ces composants dans des missions spatiales. Ils s'intéressent particulièrement aux "événements inversés", le type le plus courant de problèmes provoqués par les particules radiatives.

Raphael Some du JPL explique: Une façon d'utiliser rapidement les composants du commerce dans l'espace consiste simplement à en mettre trois fois plus que nécessaire, trois CPU exécutent le même calcul et votent sur le résultat. Si l'une de unités est sujette à une erreur due aux radiations, les deux autres gagneront le vote et fourniront le résultat correct".

Cela fonctionne, mais c'est souvent superflu, gaspillant une énergie précieuse et une puissance de calcul à triple contrôle pour des calculs qui ne sont pas critiques.

Un logiciel partial


"Afin de rendre cela plus élégant et plus efficace, nous développons un logiciel qui analyse l'importance d'un calcul, poursuit Raphael Some. S'il est capital, comme pour la navigation, chacune des trois CPU doit voter. S'il est moins vital, comme la mesure de la composition chimique d'une roche, seules un ou deux unités sera impliquées".

C'est là juste une des techniques de correction d'erreurs parmi les douzaines que EAFTC rassemble dans un seul module. Le résultat est un rendement bien meilleur: Sans ce logiciel d'EAFTC, un ordinateur du commerce aurait besoin d'une redondance à 100-200% pour se protéger contre des erreurs dues au rayonnement. (une redondance de 100% signifie 2 CPU; 200% signifie 3 CPU). Avec EAFTC, une redondance de seulement 15 à 20% est nécessaire pour le même degré de protection. Le temps CPU économisé peut être alors utilisé de façon productive.


"EAFTC ne va pas se substituer aux puces durcies", remarque Some. "Certaines tâches, comme les systèmes vitaux, sont si importantes que des puces insensibles au rayonnement seront toujours nécessaires pour les exécuter". Mais, en temps opportun, les algorithmes EAFTC pourraient prendre en charge une partie du fonctionnement de ces puces, ce qui augmenterait de façon sensible la puissance informatique des futures missions.

Un PC dans l'espace


Le premier essai de EAFTC sera réalisé à bord d'un satellite Space Technology 8 (ST-8). Partie intégrante du programme New Millénnium de la NASA, ST-8 est destiné à tester en vol les nouvelles technologies. Le satellite, dont le lancement est programmé en 2009, frôlera les ceintures de radiations de Van Allen au cours de chacune de ses orbites elliptiques, et pourra tester EAFTC dans un environnement hautement radiatif, semblable à l'espace profond.

Si tout va bien, les sondes spatiales qui voyageront à travers le système solaire pourront bientôt utiliser les mêmes puces que dans nos ordinateurs de bureau, et cela sans problème.

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