Le mois dernier, le Soleil était déchaîné. Presque chaque jour pendant les deux premières semaines du mois de septembre, des éruptions chromosphériques ont été émises par une tache solaire géante nommée "région active 798/808." Les rayons X ont ionisé la haute atmosphère terrestre. Des protons solaires ont criblé la Lune. Ce n'était
a priori pas le bon moment pour être dans l'espace. Mais qu'en est-il vraiment ?
La Station spatiale Internationale (ISS)
Durant ces tempêtes, un étrange phénomène a été constaté à bord de la Station Spatiale Internationale: les niveaux de radiation ont chuté. "L'équipage de l'ISS a absorbé environ 30% de moins de rayons cosmiques que d'habitude", fait remarquer Franck Cucinotta, responsable du service de santé nucléaire au. Johnson Space Center.
Les scientifiques connaissent depuis longtemps ce phénomène. Cela s'appelle une "diminution de Forbush", d'après le nom du physicien américain Scott E. Forbush, qui a étudié les rayons cosmiques dans les années 30 et 40. Quand les rayons cosmiques frappent la haute atmosphère de la Terre, ils produisent des jets de particules secondaires qui peuvent atteindre le sol. En surveillant ces faisceaux de particules, il avait noté que, contrairement à l'intuition, les doses de rayons cosmiques chutaient lorsque l'activité solaire était forte.
La raison est simple: quand les taches solaires explosent, elles éjectent souvent des nuages massifs de gaz chauds loin du soleil. Ces nuages, appelés CME (éjections de masse coronales), contiennent non seulement des gaz mais également des champs de force magnétiques, des noeuds de magnétisme arrachés du Soleil par l'explosion. Ces champs magnétiques deviennent les particules chargées, aussi lorsque les champs d'un CME balayent la planète, ils éloignent également les rayons cosmiques électriquement chargés qui autrement atteindraient la surface.
Partout où les CME passent, les rayons cosmiques sont déviés. On a observé des diminutions de Forbush sur Terre et sur orbite a bord de la station MIR et de l'ISS. Les sondes Pioneer 10 et 11, Voyager 1 et 2 en ont témoignées également, au delà de l'orbite de Neptune.
Un seul CME peut éliminer les rayons cosmiques pendant quelques semaines. Une activité solaire soutenue peut les supprimer pendant un temps beaucoup plus long: "2005 a été une année étonnamment active pour le Soleil", note Cucinotta. Depuis janvier, les astronomes ont compté 14 éruptions chromosphériques puissantes de classe X et un nombre encore plus grand de CME. En conséquence, "l'équipage de l'ISS a absorbé peu de rayons cosmiques tout au long de cette l'année".
C'est une ironie de l'histoire parce que les éruptions et les CME sont elles-mêmes des sources de rayonnement mortel. Les CME, en particulier, provoquent des "tempêtes de protons". Les CME traversent l'atmosphère externe du Soleil, fendent les gaz chauds à des vitesses de plus d'un million de km/h. Les protons sur la trajectoire d'un CME peuvent être accélérés jusqu'à des énergies dangereuses.
Aucun astronaute ne peut rencontrer sans danger un essaim des protons solaires de grande énergie. Cependant peu de protons solaires peuvent pénétrer les coques des vaisseaux spatiaux de la NASA. Aussi longtemps que les astronautes restent à l'intérieur, ils sont en sécurité.
Les rayons cosmiques sont différents et plus dangereux encore. Ce sont des particules subatomiques sur-chargées qui proviennent principalement de l'extérieur de notre Système Solaire. Leurs sources sont les étoiles qui explosent, les trous noirs qui dépassent largement notre Soleil par leur violence. À la différence des protons solaires qu'il est relativement facile de stopper avec des matériaux tels que l'aluminium ou le plastique, des rayons cosmiques ne peuvent être bloqués complètement par aucune technologie protectrice connue.
Les niveaux de radiations ont chuté début septembre
lors d'une période d'activité solaire intense
Même à l'intérieur de leurs vaisseaux, les astronautes sont exposés à une lente bruine de rayons cosmiques qui traverse la coque. Les particules pénètrent la chair, tissu fragile à un niveau microscopique. Un effet secondaire possible est une altération de l'ADN, qui peut provoquer au cours du temps, des cataractes, des cancers et d'autres maladies. Personne ne connaît toutes les conséquences du rayonnement cosmique sur les êtres humains. "Nous ne sommes pas dans l'espace depuis assez de temps" remarque Cucinotta.
Excepté pendant de brefs voyages sur la Lune il y a quarante ans, explique-t-il, jamais des astronautes n'ont été exposés longtemps aux rayons cosmiques galactiques. A proximité de la Terre, là où gravite l'ISS, les membres d'équipage sont protégés non seulement par la coque de leur vaisseau, mais également par le champ magnétique de la Terre et par le corps solide de la planète elle-même. Un voyage de six mois vers Mars, loin de ces boucliers naturels, est quelque chose de nouveau. Quels sont les risques à long terme ? Quelles protections sont nécessaires pour garder les astronautes en sécurité ? Les chercheurs de la NASA s'attaquent à ces questions. Une chose est claire: "minimiser l'exposition est une bonne solution".
Le Soleil peut y contribuer. Tous les 11 ans, l'activité solaire atteint un pic appelé Maximum Solaire. Il s'est pour la dernière fois produit en 2000 ; les futurs épisodes vont se présenter au autour des années 2011 et 2022. Pendant le maximum solaire, Les CME sont produits quotidiennement, et le vent solaire souffle des champs magnétiques à travers le Système Solaire interne de façon routinière. Ces champs assureraient une protection supplémentaire pour les voyageurs vers la Lune et vers Mars, réduisant les flux de rayons cosmiques de l'intervalle des 100 à 1000 MeV biologiquement dangereux de 30% ou plus. Les planificateurs des missions du futur pourraient réellement programmer les longs voyages à travers le Système Solaire pour les faire coïncider, grosso modo, avec les périodes de Maximum Solaire, tirant de ce fait profit de ce déclin de rayons cosmiques.