Adrien - Vendredi 19 Février 2021

Les éoliennes sont-elles vraiment responsables de la panne d'électricité au Texas ?

Le Texas serait-il victime d'une panne d'électricité parce que les éoliennes ne supportent pas le gel ? Il y a certaines choses qui ne tiennent pas dans cette affirmation qui a circulé abondamment sur les réseaux sociaux.


Image: Le Texas recouvert de neige, 16 février 2021 / NOAA


L'origine de l'histoire


La vague de froid qui est descendue en fin de semaine dernière sur une bonne partie des États-Unis a donné lieu à la pire tempête hivernale qu'ait connue le Texas depuis longtemps, et la pire coupure d'électricité depuis au moins une décennie. De lundi jusqu'à mardi, un peu plus de quatre millions de personnes se sont retrouvées sans lumière et sans chauffage, à des températures sous zéro. Au moins deux millions étaient toujours sans courant mercredi soir.

Parallèlement, ont circulé des images d'éoliennes gelées. Il n'en fallait pas plus pour que, de Fox News jusque sur les réseaux sociaux francophones, se multiplient les moqueries contre la fiabilité des énergies vertes.

En images



Cette image d'un hélicoptère occupé à déglacer une éolienne, soi-disant au Texas, a par exemple beaucoup circulé ces derniers jours, accompagnée de messages moqueurs. En réalité, l'image a été prise en Suède en 2014. Et l'hélicoptère larguait de l'eau chaude, et non des produits chimiques de déglaçage.

En chiffres



Tout dépendant des périodes de l'année, l'énergie éolienne fournit de 10 à 20% de l'électricité au Texas, selon le fournisseur d'électricité local, Electric Reliability Council of Texas (ERCOT). Or, au plus fort de la panne lundi, 34 gigawatts de "capacité thermale" étaient manquants alors que l'éolien est censé, selon les prévisions d'ERCOT, en fournir 6 GW pendant les pics hivernaux. D'où provenait le gros de la panne ? Surtout du gaz naturel (qui fournit 47% de l'électricité) en raison des tuyaux gelés, d'au moins une centrale nucléaire tombée en panne et des centrales au charbon (qui fournissent 20% de l'électricité).

En fait, le secteur éolien s'en est peut-être même mieux tiré que d'autres. Mardi matin, selon ce survol d'un professeur de l'Université Princeton, l'éolien produisait 4 GW, soit les deux tiers de sa capacité prévue.

On n'aura de toutes façons pas un portrait complet de ce qui a mal fonctionné avant des semaines ; la rupture de lignes de transmission a aussi pu jouer un rôle.

Mais une chose est certaine, les éoliennes peuvent opérer dans le froid, même si leur efficacité peut souffrir du gel. Outre l'expérience acquise au Québec et dans les pays scandinaves, il y a des éoliennes sur le continent antarctique. Des systèmes installés sur la nacelle peuvent souffler de l'air chaud sur les pales, ou des éléments chauffants peuvent être installés sur les pales elles-mêmes.

Causes plus profondes


Les flèches envoyées aux éoliennes peuvent aussi être le symptôme d'un problème plus profond. Une déréglementation du secteur de l'énergie au Texas dans les années 2000 est aujourd'hui blâmée pour le mauvais état des infrastructures. Le réseau électrique "boîtait" depuis des années, victime "de sous-investissement et de négligence", selon les termes utilisés lundi par l'analyste de l'énergie Ed Hirs dans le Houston Chronicle, "jusqu'à ce qu'il se brise".


Par ailleurs, le réseau d'ERCOT, qui alimente 90% des foyers du Texas, est indépendant de ses voisins, une décision prise à l'origine pour le rendre imperméable aux réglementations du gouvernement fédéral. Résultat, il lui est plus difficile de faire de "l'interconnexion" c'est-à-dire d'obtenir de l'électricité des États voisins ou de leur en fournir, lorsqu'une telle crise surgit - à la différence des réseaux québécois et ontariens, par exemple.

Enfin, les événements météorologiques extrêmes entraînés par le réchauffement climatique viennent compliquer la donne, dans un État dont les élus ont participé au déni des changements climatiques. Ainsi, le pic exceptionnel de demande en électricité de dimanche soir qui a surchargé le réseau, risque de se reproduire plus souvent: les modèles climatiques prévoient en effet des événements "extrêmes" plus fréquents, que ce soient des canicules ou des froids polaires dans des régions où on ne les attendait pas.
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