Redbran - Mardi 8 Décembre 2015

L'émergence de la vie complexe en lien avec la toxicité de l'océan

L'évolution rapide de la vie complexe, il y a 2,1 milliards d'années aurait-elle eu un lien avec la toxicité de l'océan ?


Evolution des proportions d'Arsenic au cours des temps géologiques. Enregistrement de deux augmentations significatives des concentrations en Arsenic après les deux périodes de glaciations majeurs du Protérozoïque observées à 2.1 Milliards d'années et à 650 Millions d'années. © Ernest Chi Fru t al. 2015
En examinant des roches océaniques anciennes datant de plus de deux milliards d'années une équipe internationale, avec la contribution de chercheurs de l'Institut de chimie des milieux et des matériaux de Poitiers (Université de Poitiers, CNRS), a révélé que la concentration de l'Arsenic a varié au cours des temps géologiques en relation avec les conditions environnementales liées aux glaciations et à la dynamique de l'oxygène. Pour les auteurs, le stress environnemental aurait signifié les prémices de l'adaptation et de l'émergence sur Terre de la vie complexe. Cette étude a été publiée récemment dans le magazine Nature Group Journal, Scientific Reports.


Un excès d'Arsenic dans les milieux naturels est connu pour être un poison spécialement nocif pour les organismes très primitifs. Cet élément est libéré dans les eaux par l'altération de minéraux qui en contiennent, principalement la pyrite. Sur ces bases les auteurs de cette étude se sont intéressés au rôle potentiel de l'Arsenic (As) sur le développement de la vie sur Terre au cours des temps géologiques, en fonctions des variations environnementales liées principalement aux périodes glaciaires et interglaciaires, ainsi qu'aux variations de la teneur en oxygène atmosphérique.

En effet, lors des grandes glaciations, les continents couverts de glace s'érodent peu. La concentration en As des océans doit alors baisser pour augmenter pendant les périodes interglaciaires avec la reprise de l'érosion. Par ailleurs le développement d'une vie diversifiée nécessite une atmosphère suffisamment riche en oxygène.

Dans le cadre de cette étude, les auteurs ont analysé les sédiments franceviliens (Gabon) datant de 2,1 milliards d'années. Ces sédiments referment des organismes pluricellulaires complexes et organisés découverts en 2008 par une équipe internationale dirigée par A. El Albani (Université de Poitiers, CNRS) et publiés en 2010, 2013 et 2014. Une large base de données existantes portant sur les archives sédimentaires provenant de plusieurs bassins dans le monde (Greenland, Canada, Brazil, India, Tanzania, Australia, South Africa, USA, China, Greece) a été également examinée.


Conditions environnementales nécessaires pour l'accummulations d'Arsenic dans les océans lors des périodes glaciaires (a) et interglaciaires (b). (c) Relations temporelles entre la dynamique de l'Arsenic en liaison avec l'état d'oxygénation de l'atmosphère. Deux intervalles majeurs se distinguent, à 2,1 milliards d'années et 650 Millions d'années. © Ernest Chi Fru t al. 2015


Le premier constat est que la variation de la composition en Arsenic des sédiments étudiés suit la variation des grandes périodes glaciaires et interglaciaires, avec notamment deux pics très marqués après les deux premières glaciations que notre planète ait connu, il y a 2.45 milliards d'années (glaciations huroniennes) et 0.9 milliards d'années. Le second constat est que les périodes où la concentration d'Arsenic est minimale, sont celles où l'oxygène atmosphérique est à son maximum pour s'effondrer lorsque l'arsenic est à son tour à son maximum. A ce moment là, les conditions de la vie marine devaient être détériorées avec une toxicité des eaux liées à la forte présence d'Arsenic et au manque d'oxygène.

Cependant, les auteurs observent que le taux d'oxygène a sensiblement augmenté dans le système atmosphère-océan après l'épisode huronien, comparativement aux époques plus récentes. La biosphère marine a pu alors s'adapter à ce stress environnemental en développant une résistante aux variations des cycles biogéochimiques de l'océan. Ce qui, pour les auteurs, pourrait expliquer l'émergence de la vie complexe, ouvrant la voie à notre propre évolution.
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