Le 19 mai dernier, les scientifiques, dont ceux du CNRS, ont présenté l'étude de conception du projet
Einstein Telescope (ET), future infrastructure européenne dont l'objectif sera d'observer l'Univers grâce aux ondes gravitationnelles.
Les ondes gravitationnelles sont des oscillations de l'espace-temps qui sont produites dans le cosmos lors de la collision de deux trous noirs, de l'effondrement d'une étoile ou d'une explosion de supernova. En mesurant précisément les ondes gravitationnelles, ET apportera des informations clefs sur la gravitation, l'astrophysique, la cosmologie et offrira également la possibilité de sonder les premiers instants de l'Univers, juste après l'explosion primordiale qui donna lieu à sa naissance.
La première génération de détecteurs d'ondes gravitationnelles, qui a été construite dans les années 90, a permis de valider le principe de fonctionnement et de contraindre l'amplitude des ondes gravitationnelles émises par plusieurs sources. La prochaine génération (
Advanced Ligo et Advanced Virgo) est en cours de construction et devrait détecter les premières ondes gravitationnelles, ouvrant ainsi l'ère de l'astronomie gravitationnelle.
Vue artistique de l'observatoire ET. Crédit: Marco Kraan, Nikhef
ET est un détecteur d'ondes gravitationnelles (OG) de troisième génération, qui sera 100 fois plus sensible que les instruments actuels, ouvrant ainsi la voie à des mesures astronomiques de haute précision. Comme ses prédécesseurs, il sera basé sur la mesure des petites variations (inférieures à la taille d'un noyau atomique) de la distance entre des miroirs séparés de plusieurs kilomètres. Des faisceaux laser, qui se propagent entre ces miroirs, mesureront les déformations de l'espace-temps produites lors du passage d'une OG.
L'étude de conception d'ET expose les objectifs scientifiques d'ET, la configuration du détecteur, ainsi que les délais et les coûts estimés. ET serait construit sous terre, à une profondeur d'environ 100 à 200 mètres, pour réduire l'effet du bruit sismique résiduel et ainsi atteindre de hautes sensibilités dans les basses fréquences.
Les ondes gravitationnelles fourniront des informations complémentaires à celles obtenues avec des télescopes détectant des radiations électromagnétiques (des ondes radio jusqu'aux rayons gamma) et d'autres instruments détectant des particules à haute énergie dans l'espace (physique des astroparticules).
En France, quatre laboratoires du CNRS ont participé à cette étude: le Laboratoire d'Annecy-le-Vieux de physique de particules (Lapp) à Annecy, le Laboratoire des matériaux avancés (LMA) à Lyon, le laboratoire Astroparticules et cosmologie (APC) à Paris et le laboratoire Astrophysique relativiste, théories, expériences, métrologie, instrumentation, signaux (Artemis) à Nice.
Un multi-détecteur
La stratégie est de construire un observatoire permettant de dépasser les limites des détecteurs actuels en accueillant plusieurs détecteurs d'OG. Il sera composé de trois détecteurs imbriqués, chacun composé de deux interféromètres avec des bras de 10 kilomètres de long: un interféromètre pour détecter des signaux d'ondes gravitationnelles à basse fréquence (2 à 40 Hz) et un autre interféromètre pour les hautes fréquences. La configuration est conçue pour permettre à l'observatoire d'évoluer avec des améliorations successives ou des remplacements de composants pouvant bénéficier de développements futurs en interférométrie et de répondre à une variété d'objectifs scientifiques.
La dimension européenne et mondiale
La Commission européenne a soutenu cette étude dans le cadre du septième programme-cadre (FP7-Capacities) en allouant trois millions d'euros. ET est également l'un des "Sept magnifiques" projets européens recommandé par le réseau Aspera pour le développement futur de la physique des astroparticules en Europe.
La recherche sur les ondes gravitationnelles représente un effort mondial, les informations complètes sur de nombreuses sources d'OG ne pouvant être obtenues qu'avec plusieurs interféromètres fonctionnant simultanément sur différents sites. Les communautés scientifiques aux États-Unis (LIGO), en Allemagne - Royaume-Uni (GEO600) et en Italie - France et Pays Bas (Virgo) collaborent étroitement depuis plusieurs années. Elles partagent les technologies R & D et les avancées théoriques, ainsi que les méthodes pour l'analyse des données. Le projet européen ET contribuera à améliorer cette collaboration à travers le monde.
En savoir plus...
La détection directe des ondes gravitationnelles - prédite par la théorie d'Einstein sur la gravité, la théorie générale de la relativité - est l'un des domaines les plus importants de la recherche fondamentale et de la science moderne. Outre la vérification de la relativité générale, en particulier pour les champs gravitationnels extrêmes dans les environs d'un trou noir, la détection des OG pourrait nous permettre, pour la première fois, de revenir sur les premiers instants de l'Univers juste après sa naissance.
Les observations cosmologiques sont actuellement limitées à celles des ondes électromagnétiques et des rayons cosmiques (particules de haute énergie tels que les protons).
Cette information peut remonter dans le passé, mais seulement 380 000 années après le big-bang. Avant cela, la lumière et la matière interagissaient continuellement, de sorte que l'Univers était opaque. L'Univers est devenu transparent uniquement lorsque matière et lumière se sont séparées au cours de cette époque. Par conséquence, des époques cosmologiques plus anciennes sont jusqu'à présent restées cachées et il n'a pas été possible de vérifier les théories diverses concernant leur nature. La mesure directe des ondes gravitationnelles peut nous permettre "d'écouter" l'Univers et de remonter aussi loin que le premier millième de milliardième de seconde après le big-bang. Elle pourra ainsi fournir des informations totalement nouvelles au sujet de notre Univers.