Adrien - Jeudi 18 Février 2016

Écrire avec son "esprit" en utilisant le réflexe pupillaire

Des chercheurs du laboratoire de psychologie cognitive et de l'Institut Helmholtz à l'université d'Utrecht ont développé une nouvelle méthode d'écriture fondée uniquement sur l'attention qu'un sujet peut porter à certaines lettres affichées sur un écran. Cette technique, qui n'exige aucun mouvement, pas même celui des yeux, pourrait permettre à certaines personnes atteintes de paralysie complète de communiquer avec l'extérieur. Cette étude est publiée dans la revue PloS ONE.


Figure: Le sujet porte son "attention périphérique" sur la lettre qu'il veut écrire, sans bouger ni les yeux, ni le reste de son corps. Pour déterminer quelle lettre le participant veut écrire, on analyse si l'évolution de la taille de sa pupille correspond à la prédiction pour la lettre "A" ou plutôt à celle pour "B". b) Une extension simple de cette technique permet d'écrire avec l'alphabet complet. Dans ce cas, on fait des sélections progressives jusqu'à qu'il ne reste qu'une seule lettre. Vidéo de démonstration: https://youtu.be/RHOyZFMI4l8.
© Sebastiaan Mathôt. Licence: Creative Commons Attribution 4.0 International


Peut-on écrire avec son esprit ? L'étude des chercheurs du Laboratoire de psychologie cognitive à l'université d'Aix-Marseille et de l'Institut Helmholtz à l'université d'Utrecht (Pays-Bas) suggère que c'est possible en utilisant un mécanisme visuel bien connu: le réflexe pupillaire.

Pour décrire comment cela est réalisable, on peut examiner en premier un cas simple dans lequel un sujet doit choisir entre deux lettres affichées sur un écran d'ordinateur: A et B. Ces deux lettres sont affichées dans des cercles qui passent sans cesse du noir au blanc puis du blanc au noir ; quand le cercle autour du A est blanc, le cercle autour du B est noir ; et quand le B est noir, le A est blanc.

Si le sujet regarde directement le B, les pupilles de ses yeux vont fortement réagir à la luminosité du cercle autour du B. Il s'agit du réflexe pupillaire: la pupille se contracte (devient petite) en réponse à la luminosité, et se dilate (devient large) en réponse à l'obscurité, un événement facilement observable même à l'oeil nu.

Ainsi, si la taille de la pupille est enregistrée pendant que le sujet regarde directement la lettre B, on observe qu'elle suit la luminosité du B. Dans l'exemple de la figure ci-dessous, le B commence par être blanc, donc la pupille commence par être petite ; puis, le B devient noir, donc la pupille devient large ; finalement, le B redevient blanc, donc la pupille redevient petite. En enregistrant la taille de la pupille, on pourrait donc déterminer, avec presque 100 % de certitude, laquelle de ces lettres (A ou B) le sujet est en train de regarder, et on pourrait ainsi écrire A ou B. Il ne s'agit donc pas vraiment d'écrire avec l'esprit (du moins, pas encore), mais plutôt d'utiliser indirectement les mouvements des yeux.

Toutefois, il n'est pas nécessaire de regarder directement un objet lumineux pour que la pupille se resserre: il suffit de porter son attention sur cet objet lumineux, sans même bouger les yeux. Ceci est appelé "attention périphérique". Avec cette technique, plus besoin pour le sujet de bouger ses yeux: il suffit qu'il porte son attention sur la lettre qu'il veut écrire. Et, même si le sujet ne fait aucun mouvement, ni avec les yeux, ni avec le reste de son corps, on peut déterminer quelle lettre il veut écrire, en observant uniquement l'évolution de la taille de la pupille dans le temps.


L'idée de cette nouvelle technique se résume ainsi: on enregistre la taille de la pupille, et on analyse si elle évolue avec un rythme qui correspond à la lettre A (large?petite?large ; figure au-dessous) ou plutôt à la lettre B (petite?large?petite) (figure a). Le même principe utilisé avec tout l'alphabet affiché à l'écran, et non seulement avec les lettres A et B, permet d'écrire n'importe quel mot (figure B).

Cette technique est très prometteuse car elle pourrait fournir à des personnes atteintes de paralysie complète un nouveau moyen de communiquer. D'autres techniques sont déjà disponibles, mais elles exigent des matériels complexes et coûteux pour enregistrer l'activité du cerveau. Il est bien plus aisé d'enregistrer la taille de la pupille, ce qui peut rendre cette nouvelle technique applicable à un nombre de personnes beaucoup plus important. Cependant, elle a été testée jusqu'à présent sur des participants sains uniquement, et des tests sur des personnes atteintes de paralysie sont nécessaires afin d'évaluer la possibilité de son application.
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