Isabelle - Samedi 24 Septembre 2011

Ecosystèmes: une espèce peut en cacher plusieurs


La plus forte proportion de diversité cachée se trouverait dans le genre Elassoma, qui contiendrait deux fois plus d'espèces que ce qu'on croyait. Ici, un représentant de ce groupe, le crapet-pygmée des Everglades.
Plus du quart des espèces de poissons du Canada et des États-Unis n'auraient pas été correctement décrites.

Les écosystèmes d'eau douce nord-américains abriteraient beaucoup plus d'espèces de poissons qu'on le croyait. C'est ce qu'avancent Julien April et Louis Bernatchez, du Département de biologie, et leurs collègues Richard Mayden, de la Saint Louis University, et Robert Hanner, de l'Université de Guelph, dans l'édition du 28 juin des Proceedings of the National Academy of Sciences. Selon les données publiées par ces chercheurs, le nombre d'espèces de poissons d'eau douce, qui s'établit présentement à 902 au Canada et aux États-Unis, pourrait être 28 % plus élevé.


Les chercheurs arrivent à cette conclusion après avoir étudié des spécimens de 752 espèces conservées dans des musées. L'identité de ces poissons avait été établie par des experts sur la base de caractères morphologiques. Les chercheurs ont répété l'exercice en utilisant le degré de similitude d'une séquence d'ADN mitochondrial comme critère de regroupement. Résultat? L'approche moléculaire a confirmé que, dans 90 % des cas, l'identification de l'espèce était correcte. L'envers de la médaille: une révision doit être envisagée pour 10 % des espèces restantes. "Il y a une biodiversité cachée qui n'avait pas été détectée lors de l'examen à l'oeil nu des poissons, constate le professeur Bernatchez. Il pourrait y avoir 347 espèces là où on croyait en avoir 138."

Les chercheurs ont dressé une liste de 151 espèces dont la taxonomie devrait être revue. Il s'agit surtout de poissons qui possèdent une grande aire de répartition et dont les populations sont isolées géographiquement depuis très longtemps. Cet isolement a favorisé les adaptations locales, l'accumulation de différences génétiques et la divergence des populations. "Cette situation est plus courante dans le sud des États-Unis où l'isolement géographique dure depuis très longtemps, jusqu'à 15 millions d'années dans certains cas, précise le professeur Bernatchez. Au Canada, les glaciations récurrentes ont effacé l'accumulation de différences entre populations."

Il n'y aura donc pas de grand ménage à faire dans la classification des espèces canadiennes, une nouvelle qui n'attriste pas Louis Bernatchez, lui-même coauteur du Guide d'identification des poissons d'eau douce du Québec. Des révisions pourraient toutefois être requises du côté des lamproies. "Chez certaines espèces, il existe une forme parasitaire et une forme non parasitaire. Elles sont distinctes morphologiquement, mais semblables génétiquement, de sorte qu'il y a probablement moins d'espèces qu'on le croyait."


Pourquoi est-il important de savoir combien d'espèces de poissons nagent dans les plans d'eau du Canada et des États-Unis et d'être en mesure de les distinguer? "En tant que société, si nous sommes sérieux dans nos efforts de conservation et de gestion des poissons, il est indispensable d'avoir un portrait complet et fiable de la diversité des espèces, répond Louis Bernatchez. C'est la base pour savoir de quoi on parle."
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