Michel - Mercredi 24 Février 2010

Les eaux ont le goût de leurs minéraux

L'eau du robinet serait-elle insipide ? Certainement pas. Les distributeurs du précieux liquide aimeraient même pouvoir mieux caractériser son goût, pour ensuite évaluer les préférences des consommateurs. Comment faire ? Un doctorant dijonnais, bénéficiant d'un contrat Cifre associant le CNRS et la Lyonnaise des eaux, vient peut-être de trouver la solution. Dans le cadre de sa thèse financée par le projet Sens'eau du pôle de compétitivité dijonnais Vitagora et réalisée sous la direction de Pascal Schlich, directeur de recherche au Centre européen des sciences du goût, Éric Teillet a développé une méthode inédite pour mesurer la perception du liquide livré à domicile. Il assure que le goût de l'eau serait, avant tout, une affaire de teneurs en minéraux !

Remplissez deux verres au robinet. L'un à Épinal, l'autre à Dijon. Dégustez-les. Même débarrassés des arômes emmagasinés au contact des conduites ou du chlore utilisé pour leur désinfection, une différence de goût apparaîtra. Mais laquelle exactement ? Et où ira la préférence des buveurs ? Pour répondre à cette double question, Éric Teillet a commencé par demander à un panel de 389 personnes de classer, en fonction de leur ressemblance, une cinquantaine d'eaux minérales et de ville provenant de toutes les régions de France. Le jeune chercheur a ainsi établi que non seulement les eaux françaises pouvaient globalement être regroupées en trois familles de goûts – appelées par lui "Volvic", "Evian" et "Contrex" –, mais que ces catégories correspondaient à des teneurs en minéraux plus ou moins fortes.


Une fois cette échelle établie, Éric Teillet a analysé les goûts des individus. Selon lui, 53 % des Français marqueraient une nette préférence pour les eaux de minéralité moyenne du type "Evian" (de 200 à 800 mg/L) (*). Au contraire, 19 % d'entre eux apprécieraient aussi bien les faibles teneurs que les fortes. Ce qui ne serait pas le cas des 28 % de la population inconditionnelle du genre "Volvic": chez ces consommateurs peu friands de minéraux, la qualité gustative des eaux baisserait avec l'augmentation de la dose !

"Ce travail n'a pas seulement un objectif académique, explique Pascal Schlich. Éric Teillet propose un procédé pour évaluer les goûts d'une population en matière d'eau et montre qu'il existe des variations régionales et typologiques. Ce qui peut être très utile pour les compagnies lorsqu'elles doivent fixer la teneur en minéraux des eaux qu'elles se proposent de distribuer." Preuve de l'utilité de la méthode: la société Agbar, sœur de la Lyonnaise des eaux au sein de Suez Environnement, vient d'y faire appel pour évaluer, suite à l'installation en bord de mer d'une usine de dessalement, l'impact des mélanges d'eaux sur les goûts perçus par les habitants de Barcelone.


Note:

(*) La minéralité des eaux citées est la suivante: Volvic (121 mg/L), Evian (326 mg/L) et Contrex (2 039 mg/L).
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL
sous le numéro de dossier 1037632
Informations légales