Sous certaines conditions expérimentales, des physiciens sont parvenus à faire geler de l'eau à température ambiante. En confinant une petite quantité d'eau liquide entre une minuscule pointe de tungstène et une surface de graphite, Joost Frenken et ses collègues de l'université de Leyde aux Pays Bas ont observé la formation de glace. Alors que l'eau est ordinairement considérée comme un lubrifiant, les chercheurs ont constaté que dans cette situation, elle agissait en fait comme une matière visqueuse. La découverte pourrait être utile aux chercheurs étudiant des micro- et nano- systèmes électromécaniques, et qui buttent quelquefois sur des problèmes de frottements trop élevés entre surfaces.
La plupart des surfaces ne sont jamais complètement lisses ni planes. Lorsque deux corps sont assemblés, ils n'entrent pas en contact sur la totalité de leur surface visible, mais plutôt en un grand nombre de points minuscules. Sous des conditions d'humidité normales, de la vapeur d'eau peut se condenser à la surface sur ces contacts, ce qui produit un minuscule "pont capillaire". Ces passerelles tendent à faire se coller les surfaces et rendre plus difficile le glissement de l'une sur l'autre.
Le "tribolever" de l'expérience
Cependant, les scientifiques n'étaient pas certains que cela se vérifiait également lorsque le liquide est confiné dans de petits interstices entre les surfaces. Pour analyser ce problème, Frenken et son équipe ont effectué une série d'expériences sur un appareil appelé "tribolever", qui utilise un capteur miniature en silicium capable de détecter des forces d'intensité très peu élevées (de l'ordre de 20 piconewtons).
Leurs expériences ont constitué à fixer une fine pointe de fil de tungstène sur le capteur et en balayer soigneusement une surface nette de graphite de haute qualité. A température ambiante, les chercheurs ont constaté que des ponts nanométriques de glace se formaient entre les deux surfaces et perduraient plusieurs secondes. Sous cette géométrie, l'eau agissait réellement comme une colle, et non pas comme un lubrifiant, et "soudait" les deux surfaces.
"Nos travaux éclairent d'un jour nouveau les phénomènes de frottements et de glissements qui se produisent à l'échelle nanométrique", remarque Frenken. L'équipe doit désormais tester différents matériaux pour la pointe ou le substrat et modifier d'autres paramètres tels que la température ou la vitesse de déplacement de la pointe. Ils doivent également étudier dans quelle mesure la glace contribue au frottement dans des circonstances usuelles.