Adrien - Jeudi 1er Mai 2014

La durée du jour sur une exoplanète déterminée pour la toute première fois

Des observations effectuées au moyen du Très Grand Télescope (VLT) de l'ESO ont, pour la toute première fois, conduit à la détermination de la vitesse de rotation d'une exoplanète. Il est ainsi apparu que la durée du jour sur Bêta Pictoris b était voisine de huit heures. Cette rotation s'effectue à une vitesse bien plus élevée que la rotation de toute planète de notre Système Solaire - à l'équateur, cette vitesse avoisine les 100 000 km/h. Ce nouveau résultat étend aux exoplanètes la relation masse - rotation déduite de l'étude des planètes du Système Solaire. De semblables méthodes appliquées aux données obtenues par le télescope géant (E-ELT) permettront bientôt aux astronomes de cartographier dans le détail la surface des exoplanètes.


Cette vue d'artiste montre la planète en orbite autour de la jeune étoile Bêta Pictoris. Cette exoplanète est la première dont la vitesse de rotation est mesurée. Sa durée du jour n'excède pas les huit heures, ce qui correspond à une vitesse de rotation équatoriale de 100 000 km/h – nettement supérieure à celle des planètes de notre Système Solaire.


L'exoplanète Bêta Pictoris b est en rotation autour de l'étoile Bêta Pictoris, distante d'environ 63 années lumière de la Terre dans la constellation australe du Peintre, et visible à l'oeil nu. Cette planète a été découverte il y a six ans environ. Elle fut l'une des toutes premières exoplanètes à être détectée au moyen de l'imagerie directe. Elle est en orbite autour de son étoile hôte à une distance équivalant à huit fois la distance Terre - Soleil, ce qui en fait l'exoplanète la plus proche de son étoile à faire l'objet d'une imagerie directe.

C'est au moyen de l'instrument CRIRES qui équipe le VLT qu'une équipe d'astronomes hollandais de l'Université de Leiden et de l'Institut Hollandais de Recherche Spatiale (SRON) a récemment déterminé la valeur de la vitesse de rotation équatoriale de l'exoplanète Bêta Pictoris b: au moins 100 000 kilomètres par heure. A titre de comparaison, la vitesse de Jupiter à l'équateur avoisine les 47 000 km/h, celle de la Terre les 1700 km/h seulement. Bêta Pictoris b est 16 fois plus grande et 3000 fois plus massive que la Terre - en outre, la durée du jour n'y excède pas les 8 heures.

"La raison pour laquelle certaines planètes sont animées d'une vitesse de rotation rapide, d'autres d'une vitesse de rotation plus lente, est inconnue", nous confie Remco de Kok, co-auteur de cette étude, "mais cette toute première mesure de la vitesse de rotation d'une exoplanète vient confirmer la tendance qui se dessine dans le Système Solaire: les planètes les plus massives tournent plus rapidement. Cela est également vrai pour les exoplanètes. Il doit s'agir là d'une conséquence directe et universelle du processus de formation des planètes".

Bêta Pictoris b est une très jeune planète, âgée de 20 millions d'années seulement - comparée à la Terre, formée voici 4,5 milliards d'années. Au fil du temps, l'exoplanète se refroidira et se contractera, ce qui augmentera encore sa vitesse de rotation. D'autres processus sont également susceptibles d'influer sur la rotation de la planète. A titre d'exemple, la vitesse de rotation de la Terre diminue lentement au fil du temps, en raison des interactions de marée avec notre Lune.


Les astronomes ont utilisé une technique précise baptisée spectroscopie à haute dispersion pour séparer la lumière dans ses différentes couleurs ou longueurs d'onde du spectre. L'utilisation de l'effet Doppler - décalage de longueur d'onde généré par l'approche ou l'éloignement, sur la ligne de visée, des différentes zones de la planète - leur a permis d'établir la rotation différentielle de la planète. L'élimination des effets parasites de l'étoile hôte, de brillance bien plus élevée, a ensuite permis d'extraire le signal de rotation en provenance de la planète.

"Nous avons mesuré les longueurs d'onde du rayonnement issu de la planète avec une précision d'un pour cent mille afin de pouvoir mesurer la vitesse des objets émetteurs au moyen de l'effet Doppler", ajoute Ignas Snellen, auteur principal de l'étude. "Cette technique a révélé l'existence de portions de surface qui s'approchent ou s'éloignent de nous à des vitesses distinctes, ce qui signifie que l'étoile est en rotation autour de son axe".

Cette technique est étroitement liée à l'imagerie Doppler dont l'utilisation a permis, des décennies durant, de cartographier les surfaces d'étoiles, et récemment celle d'une naine brune Luhman 16B. Le fait que Bêta Pictoris b soit animée d'une vitesse de rotation élevée nous permettra prochainement de dresser une cartographie globale de la planète, sur laquelle apparaîtront peut-être de vastes formations nuageuses ainsi que de grandes tempêtes.

"Cette technique pourra être étendue à un plus vaste échantillon d'exoplanètes, grâce à la formidable résolution et à l'extrême sensibilité de l'E-ELT ainsi qu'à un spectrographe d'imagerie à haute dispersion. Grâce à l'imageur et au spectrographe infrarouges de l'E-ELT (METIS), nous serons en mesure de dresser des cartes globales d'exoplanètes et de caractériser des planètes de dimensions nettement inférieures à celle de Bêta Pictoris b au moyen de cette technique", précise Bernhard Brandl, chercheur responsable de METIS et co-auteur de cette nouvelle étude.
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