Un consortium de chercheurs associant le CNRS, le CEA, l'IRD et les Universités de Strasbourg, de Montpellier, d'Evry Val d'Essonne et de Pau, vient de révéler la diversité métabolique des principaux microorganismes présents dans un écosystème particulièrement riche en arsenic. Cette étude qui se base sur une approche métaprotéogénomique a été publiée dans
The ISME Journal le 12 mai 2011.
Du fait de leurs activités métaboliques, les microorganismes jouent un rôle crucial dans les cycles biogéochimiques des éléments. La compréhension complète de ces processus nécessite cependant le déchiffrage de la structure et du fonctionnement, y compris les interactions synécologiques
(1), des communautés microbiennes.
Ancien site minier de Carnoulès dans le Gard, en France. © GMGM, P. Bertin.
En utilisant une approche métagénomique, des chercheurs du laboratoire de Génétique moléculaire, génomique et microbiologie (GMGM, CNRS/Université de Strasbourg), de l'unité de Génomique métabolique (CNRS/CEA/Université d'Evry Val d'Essonne), de l'Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC, CNRS/Université de Strasbourg), de l'Institut des sciences analytiques et de physicochimie pour l'environnement et les matériaux (IPREM, CNRS/Université de Pau), du laboratoire Hydrosciences Montpellier (HSM, CNRS/IRD/Universités Montpellier 1 et 2) et du Laboratoire de chimie bactérienne (LCB, CNRS), ont démontré qu'un drainage minier acide
(2) fortement contaminé par l'arsenic est dominé par sept souches bactériennes dont les génomes ont été reconstruits. Cinq d'entre eux représentent des bactéries encore non-cultivées et comprennent deux souches appartenant à un nouveau phylum bactérien, présent dans certains écosystèmes similaires et qui a été nommé "
Candidatus Fodinabacter communificans".
Les données métaprotéomiques ont mis en évidence plusieurs capacités microbiennes, exprimées in situ, comme l'oxydation du fer, du soufre et de l'arsenic qui sont des mécanismes clés de la biominéralisation, ou le métabolisme des nutriments organiques, des acides aminés et des vitamines, impliqués dans des associations syntrophiques
(3). Une analyse statistique des données génomiques et protéomiques et des expériences de RT-PCR ont permis aux scientifiques de construire un modèle intégré des interactions métaboliques qui peuvent être d'une importance capitale dans l'atténuation naturelle de tels écosystèmes anthropisés
(4).
Notes:
(1) La synécologie concerne l'analyse des rapports entre des individus d'espèces différentes dans une communauté d'organismes vivants.
(2) Un drainage minier acide (DMA) est un effluent résultant de l'exploitation des gisements miniers. Les minéraux sulfurés sont alors soumis à une oxydation par contact avec l'air et l'eau, ce qui conduit à une production d'acide sulfurique et à la solubilisation des métaux présents.
(3) La syntrophie est une relation établie lors d'une co-culture de plusieurs espèces bactériennes et au cours de laquelle celles-ci combinent leurs capacités métaboliques pour transformer une substance.
(4) L'anthropisation est la transformation d'espaces, de paysages ou de milieux naturels sous l'action de l'Homme.
Référence:
Metabolic diversity among main microorganisms inside an arsenic-rich ecosystem revealed by meta- and proteo-genomics, Philippe Bertin, Audrey Heinrich-Salmeron, Eric Pelletier, Florence Goulhen-Chollet, Florence Arsène-Ploetze, Sébastien Gallien, Béatrice Lauga, Corinne Casiot, Alexandra Calteau, David Vallenet, Violaine Bonnefoy, Odile Bruneel, Béatrice Chane-Woon-Ming, Jessica Cleiss-Arnold, Robert Duran, Françoise Elbaz-Poulichet, Nuria Fonknechten, Ludovic Giloteaux, David Halter, Sandrine Koechler, Marie Marchal, Damien Mornico, Christine Schaeffer, Adam Alexander Thil Smith, Alain Van Dorsselaer, Jean Weissenbach Claudine Médigue, Denis Le Paslier, The ISME journal: Multidisciplinary journal of microbial ecology, Published online May 12, 2011, doi:10.1038/ismej.2011.51.