Michel - Jeudi 14 Juillet 2011

Deux myopathies, un mécanisme moléculaire commun

Deux équipes de l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC, CNRS/Inserm/Université de Strasbourg) viennent d'établir, en collaboration avec le laboratoire Thérapie des maladies du muscle strié (CNRS/Inserm/Université Pierre et Marie Curie), un nouveau lien entre deux types de myopathies: les dystrophies myotoniques et les myopathies centronucléaires. Les chercheurs ont montré qu'un mécanisme moléculaire commun serait à l'origine de la faiblesse musculaire, symptôme majeur de ces deux maladies. Ces travaux ont été publiés le 29 mai 2011 dans la revue Nature medicine.

En France, trois millions de personnes sont touchées par une maladie génétique rare. Sur les 6000 à 8000 pathologies rares recensées, plus de 200 s'attaquent aux muscles et aux nerfs moteurs, comme les dystrophies myotoniques et les myopathies centronucléaires. Ces deux affections neuromusculaires ont des origines génétiques très différentes. Pourtant, les patients atteints par ces myopathies présentent des symptômes musculaires extrêmement similaires et notamment une perte de tonicité des muscles. Au niveau des tissus, les cellules musculaires ont des morphologies très proches, au point d'être difficilement distinguables, avec une localisation du noyau non pas à la périphérie mais au centre du compartiment cellulaire.


Dans une précédente étude, l'équipe de Jocelyn Laporte à l'IGBMC a montré qu'une mutation du gène BIN1 était à l'origine de la faiblesse musculaire observée chez les patients affectés par une myopathie centronucléaire (1). Ce résultat a permis à l'équipe dirigée par Nicolas Charlet-Berguerand au sein du même laboratoire d'affirmer qu'une altération de ce même gène était également responsable des symptômes caractéristiques des dystrophies myotoniques. La collaboration étroite entre les deux équipes de l'IGBMC a donc aboutit à l'identification d'un nouveau lien moléculaire entre les deux types de myopathies.

Dans les deux cas, la protéine synthétisée à partir du gène BIN1 est défectueuse et c'est son inactivité qui provoque la perte de tonicité musculaire chez les patients. Mais alors que l'anomalie est directement portée par la séquence du gène BIN1 dans les myopathies centronucléaires, ce sont des problèmes d'épissage, un processus biologique complexe qui permet d'obtenir plusieurs formes d'une même protéine à partir d'un seul gène, qui sont à l'origine de la synthèse d'une forme inactive de la protéine BIN1 dans les dystrophies myotoniques.

Les chercheurs ont constaté que les perturbations de l'épissage étaient dues à une altération de la liaison entre le facteur MBNL1, qui intervient dans la régulation de ce processus biologique, et l'ARN pré-messager de BIN1, une copie de l'information génétique du gène BIN1 qui sert d'intermédiaire dans la synthèse des protéines. Désorganisé, le système de production des protéines conduit à l'obtention d'une forme inactive de la protéine BIN1. Cette protéine étant impliquée dans la formation de structures de la membrane des cellules musculaires indispensables au contrôle de la contraction des muscles (les tubules T), son inactivité est directement responsable de la perte de tonicité musculaire chez les malades.

Ces avancées dans la compréhension des mécanismes moléculaires en lien avec les myopathies centronucléaires et les dystrophies myotoniques, soutenues et financées par l'Association française contre les myopathies (AFM), ouvrent de nouvelles perspectives dans la recherche de traitements communs.


Figure: La biopsie de muscles d'un contrôle sain (CTL) présente des noyaux (en violet) localisés en périphérie des fibres musculaires tandis que celle de patients atteints de myopathie centronucléaire (CNM) montre des noyaux anormalement situés au centre des fibres. La taille des fibres musculaires est largement réduite dans le cas de myopathie centronucléaire. © IGBMC, Jocelyn Laporte


Note:

(1) Mutations in amphiphysin 2 (BIN1) disrupt interaction with dynamin 2 and cause autosomal recessive centronuclear myopathy, Anne-Sophie Nicot, Anne Toussaint, Valérie Tosch, Christine Kretz, Carina Wallgren-Pettersson, Erik Iwarsson, Helen Kingston, Jean-Marie Garnier, Valérie Biancalana, Anders Oldfors, Jean-Louis Mandel, Jocelyn Laporte, Nature genetics 39(9):1134-1139, Published online August 5, 2007, doi:10.1038/ng2086.


Référence:

Misregulation of the alternative splicing of BIN1 is associated with T-tubule alterations and muscle weakness in myotonic dystrophy, Charlotte Fugier, Arnaud Klein, Caroline Hammer, Stéphane Vassilopoulos, Ylva Ivarsson, Anne Toussaint, Valérie Tosch, Alban Vignaud, Arnaud Ferry, Nadia Messaddeq, Yosuke Kokunai, Rie Tsuburaya, Pierre de la Grange, Doulaye Dembele, Virginie Francois, Guillaume Precigout, Charlotte Boulade-Ladame, Marie-Christine Hummel, Adolfo Lopez de Munain, Nicolas Sergeant, Annie Laquerrière, Christelle Thibault, François Deryckere, Didier Auboeuf, Luis Garcia, Pascale Zimmermann, Bjarne Udd, Benedikt Schoser, Masanori Takahashi, Ichizo Nishino, Guillaume Bassez, Jocelyn Laporte, Denis Furling, Nicolas Charlet-Berguerand, Nature medicine 17(6):720-725, Published online May 29, 2011, doi:10.1038/nm.2374.
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