Adrien - Mardi 17 Juin 2014

Un dérivé de la vitamine A pour traiter le diabète de type 2


Daniel-Constantin Manolescu
À l'heure où l'obésité, le diabète de type 2 et ses complications sont de vraies épidémies à l'échelle mondiale, des chercheurs de l'Université de Montréal et du Centre de recherche du CHUM (CRCHUM) viennent de démontrer le potentiel de l'acide rétinoïque (AR), un dérivé de la vitamine A, dans le traitement de l'obésité, du diabète de type 2 et dans la prévention de leurs complications cardiovasculaires.

Ces résultats ont été présentés le 6 juin 2014 au Congrès annuel de la Société canadienne de nutrition à Saint-Jean (Terre Neuve). " Chez des souris obèses et résistantes à l'insuline, l'acide rétinoïque diminue les risques d'apoptose au niveau du coeur, stimule l'expression des gènes cardio-protecteurs diminués par la maladie et protège contre l'accumulation du collagène dans le muscle cardiaque, évitant ainsi l'apparition de la fibrose et de possibles futures complications associées", explique le premier auteur de l'étude, Daniel-Constantin Manolescu. L'apoptose correspond à la mort cellulaire programmée. Cette découverte fait suite à d'autres travaux réalisés par son équipe, qui ont démontré les effets de l'AR sur la résistance à l'insuline, le diabète et l'obésité. " La glycémie, la résistance à l'insuline, le poids corporel et la taille des adipocytes avaient diminués de façon significative chez les animaux traités, y compris dans le gras abdominal, alors que l'apport alimentaire et l'activité physique étaient semblables pour les animaux traités et non-traités. Ceci fait penser à une augmentation de la dépense énergétique de base ", ajoute M. Manolescu.


Le gras blanc est une réserve d'énergie formée par l'accumulation des graisses sous forme de triglycérides pour faire face aux augmentations inattendues de dépenses énergétiques, mais c'est également un tissu hormonal avec un équilibre délicat. Dans l'ensemble, si les apports d'énergie sont plus grands que les dépenses sur une longue période, l'obésité augmente, alors que l'équilibre hormonal et le métabolisme énergétique sont perturbés. Dans ce contexte s'installent, avec le temps, la résistance à l'insuline et le diabète de type 2.

Le gras brun entrepose également des triglycérides, mais il possède la capacité de produire de la chaleur. Abondant chez les bébés, il ne disparait pas complètement à l'âge adulte. Bien irriguée par des vaisseaux sanguins, cette graisse brune possède de nombreuses mitochondries, usines énergétiques de la cellule. Les dérivés de la vitamine A stimulent une protéine de découplage mitochondrial (UCP1) permettant aux mitochondries le découplage de la voie métabolique (phosphorylation oxydative) qui utilise l'énergie venant de l'oxydation des nutriments pour la production d'adénosine triphosphate-ATP. Pour un certain temps, ces mitochondries gênèrent ainsi de la chaleur (thermogenèse) plutôt que de l'ATP, qui est traditionnellement l'énergie demandée pour le métabolisme actif. L'exposition au froid mène à la stimulation de la graisse brune et de la graisse blanche, favorisant la transformation des triglycérides pour libérer des acides gras et du glycérol. Mais, dans les adipocytes bruns, ces  acides gras sont rapidement oxydés dans les mitochondries et produisent de la chaleur (sous l'influence de la  protéine UCP1). Cette graisse brune contribue alors à augmenter le métabolisme énergétique de base. Ainsi les mammifères hibernants engraissent durant l'automne sans développer de diabète et maigrissent sans trop bouger durant l'hiver (tout en réchauffant leur tanière). Ils sont aussi les animaux qui accumulent le plus de vitamine A dans leur foie. L'acide rétinoïque (dérivé de vitamine A) est reconnu pour son implication dans la maturation et la différenciation cellulaire et pourrait orienter les pré-adipocytes plutôt vers le brun (ou beige) que vers le blanc. C'est comme si des "chaudières" avaient été installées directement dans les réserves de gras blanc pour le faire fondre sur place et l'empêcher de trop s'accumuler.


"La vitamine A est un nutriment bioactif. L'originalité de notre projet est d'aborder l'obésité et le diabète de type 2 par l'implication des rétinoïdes. Nous avons attiré l'attention à travers le monde et été cités parmi les 12 équipes au monde ayant apporté des données probantes en ce sens" ajoute le Dr Pangala V. Bhat.

"Nos études sur animaux montrent que l'acide rétinoïque induit une normalisation glycémique et une diminution de l'obésité. C'est une importante contribution à la connaissance de son action dans le foie, le gras, les muscles et le coeur, sur le métabolisme des rétinoïdes, le métabolisme énergétique, l'oxydation des acides gras et la résistance à l'insuline. Ceci identifie des nouveaux effets métaboliques des rétinoïdes et peut conduire à des remèdes anti-obésité et antidiabétiques", conclut le Dr Jean-Louis Chiasson.
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