Dans un article publié le 10 juin 2013 dans la revue scientifique
PNAS, des chercheurs français et néerlandais ont annoncé avoir séquencé le code génétique d'un virus géant qui s'attaque à Phaeocystis globosa, une espèce d'algue commune que le public connaît surtout par l'écume de couleur blanc-crème couvrant l'eau ou déposée sur les plages formée à partir de cette algue. Baptisé "PgV-16T", il s'agit du premier virus géant identifié chez un hôte végétal. Il joue un rôle important dans la régulation de la population de cette espèce d'algue qui prolifère dans le monde entier.
Ecume caractéristique de Phaeocystis globosa
Crédits: Lamiot
Cette découverte est le fruit du travail collaboratif de l'équipe de Corina Brussaard de l'Institut Royal Néerlandais pour la Recherche Marine et de l'université d'Amsterdam et de celle de Jean-Michel Claverie du laboratoire Information Génomique et Structurale (IGS) de l'université d'Aix-Marseille (CNRS - UMR7256). "C'est une découverte très excitante qui change notre vision des virus", a commenté Corina Brussaard. "Il s'agit du plus grand virus d'algue pour lequel nous disposons désormais du code génétique complet. D'autre part, c'est le premier virus géant qui se sert d'une algue comme hôte, ce qui signifie qu'ils sont plus communs qu'on ne le pensait", ajoute-t-elle.
La découverte des virus géants est très récente puisque le premier d'entre eux, le "Mimivirus", n'a été identifié par Jean-Michel Claverie qu'en 2003. Mais ce n'est pas leur grande taille ou le fait qu'ils contiennent généralement plus de matériel génétique qu'un virus ordinaire qui passionnent les biologistes. Du moins pas directement. La caractéristique la plus intéressante de ces organismes est qu'ils remettent en cause la frontière entre virus et organismes vivants et suggèrent qu'ils ont évolué différemment des virus "ordinaires" plus petits. En effet, les virus géants ont certaines caractéristiques qui jusqu'à maintenant étaient réservées aux cellules vivantes, ce qui les placent très loin dans la chronologie de l'évolution.
Il semble qu'à l'origine, les virus géants étaient des organismes indépendants qui ne pouvaient survivre qu'à l'intérieur d'autres organismes comme symbiote ou parasite. Puis, au cours de l'évolution, ils ont perdu une partie de leur matériel génétique les rendant ainsi dépendant de leur hôte. Les virus géants seraient ainsi les représentants actuels d'une forme de vie qui existait au moment où vivait leur dernier ancêtre commun, il y a 3-4 millions d'années, et ils auraient donc contribué au développement des cellules actuelles. Selon Corina Brussaard: "si c'est effectivement le cas, il s'agirait alors d'une nouvelle voie pour la formation des virus et l'échange de matériel génétique, ce qui pourrait avoir des conséquences imprévisibles sur notre perception des virus comme agents pathogènes."