Isabelle - Samedi 25 Décembre 2021

Découverte du plus grand groupe de planètes "errantes" connu à ce jour

Les planètes errantes sont des objets cosmiques insolites dont la masse est comparable à celle des planètes de notre système solaire, mais qui ne sont pas en orbite autour d'une étoile et se déplacent librement à leur guise. Jusqu'à présent, on en connaissait peu, mais une équipe d'astronomes, utilisant les données de plusieurs télescopes de l'Observatoire Européen Austral (ESO) et d'autres infrastructures, vient de découvrir au moins 70 nouvelles planètes errantes dans notre galaxie. Il s'agit du plus grand groupe de planètes errantes jamais découvert, une étape importante vers la compréhension des origines et des caractéristiques de ces mystérieux nomades galactiques.


Cette vue d'artiste donne un exemple de planète errante détectée dans la région de Rho Ophiuchi. Une région où les observations de l'ESO ont récemment permis de découvrir au moins 70 de ces objets. Les planètes errantes ont des masses comparables à celles des planètes de notre système solaire, mais ne sont pas en orbite autour d'une étoile, elles se déplacent en toute autonomie. Crédit:ESO/M. Kornmesser


"Nous ne savions pas à combien de planètes errantes nous attendre et nous sommes ravis d'en avoir trouvé autant", déclare Núria Miret-Roig, astronome au Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux (France) et à l'université de Vienne (Autriche), et premier auteur de la nouvelle étude publiée aujourd'hui dans Nature Astronomy.

Les planètes errantes, qui se cachent loin de toute étoile les éclairant, sont normalement impossibles à photographier. Cependant, Núria Miret-Roig et son équipe ont tiré parti du fait que, dans les quelques millions d'années qui suivent leur formation, ces planètes sont encore suffisamment chaudes pour briller, ce qui les rend directement détectables par les caméras sensibles des grands télescopes. Ils ont trouvé au moins 70 nouvelles planètes errantes de masse comparable à celle de Jupiter dans une région de formation d'étoiles proche de notre Soleil, dans les constellations du Scorpion supérieur et du Serpentaire (1).


Cette image montre une petite région du ciel dans la direction de la constellation du Haut Scorpion. Elle offre une vue rapprochée d'une planète errante récemment découverte, c'est-à-dire une planète qui n'est pas en orbite autour d'une étoile mais qui se déplace librement. La planète nomade est le petit point rouge vif au centre de l'image.
L'image a été créée en combinant les données de l'instrument OmegaCam du VLT Survey Telescope (VST) et de l'instrument VIRCAM du Visible and Infrared Survey Telescope for Astronomy (VISTA), tous deux situés à l'Observatoire Paranal de l'ESO au Chili. Les observations effectuées à l'aide de ces instruments et d'autres ont permis aux scientifiques de distinguer les planètes des étoiles, des naines brunes et des autres objets présents dans cette région du ciel. Loin des étoiles qui les éclairent, les planètes errantes sont normalement impossibles à photographier, mais peu après leur formation, elles émettent une faible lueur qui peut être détectée par les caméras sensibles des puissants télescopes. Crédit: ESO/Miret-Roig et al.


Pour repérer un si grand nombre de planètes errantes, l'équipe a utilisé des données couvrant une période d'environ 20 ans et provenant de plusieurs télescopes au sol et dans l'espace. "Nous avons mesuré les mouvements infimes, les couleurs et les luminosités de dizaines de millions de sources dans une grande région du ciel", explique Núria Miret-Roig. "Ces mesures nous ont permis d'identifier de manière sûre les objets les plus faibles de cette région, les planètes errantes".

L'équipe a utilisé les observations du Very Large Telescope (VLT), du Visible and Infrared Survey Telescope for Astronomy (VISTA), du VLT Survey Telescope (VST) et du MPG/ESO de 2.2-mètres situé au Chili, ainsi que d'autres équipements. "La grande majorité de nos données proviennent des observatoires de l'ESO, qui étaient absolument essentiels pour cette étude. Leur large champ de vision et leur sensibilité unique ont été les clés de notre succès", explique Hervé Bouy, astronome au Laboratoire d'Astrophysique de Bordeaux, en France, et chef de projet de cette nouvelle recherche. "Nous avons utilisé des dizaines de milliers d'images à grand champ provenant des installations de l'ESO, correspondant à des centaines d'heures d'observations, et littéralement des dizaines de téraoctets de données."


Cette image montre l'emplacement de 115 potentielles planètes errantes récemment découvertes par une équipe d'astronomes dans la direction des constellations du Haut Scorpion et du Serpentaire, mises en évidence par des cercles rouges. Les planètes errantes ont des masses comparables à celles des planètes de notre système solaire, mais elles ne tournent pas autour d'une étoile et se déplacent librement.
Le nombre exact de planètes errantes découvertes par l'équipe se situe entre 70 et 170, selon l'âge supposé de la région étudiée. Cette image a été créée en supposant un âge intermédiaire, ce qui donne un nombre de planètes candidates situé entre les deux extrêmes de l'étude. Crédit: ESO/N. Risinger (skysurvey.org)


L'équipe a également utilisé les données du satellite Gaia de l'Agence Spatiale Européenne, mettant ainsi en exergue le succès de la collaboration entre les télescopes terrestres et spatiaux dans l'exploration et la compréhension de notre Univers.

L'étude suggère qu'il pourrait y avoir beaucoup plus de ces insaisissables planètes sans étoile que nous devons encore découvrir. "Il pourrait y avoir plusieurs milliards de ces planètes géantes flottant librement dans la Voie lactée sans étoile hôte", explique Hervé Bouy.

En étudiant les planètes solitaires récemment découvertes, les astronomes pourraient trouver des indices sur la façon dont ces objets mystérieux se forment. Certains scientifiques pensent que les planètes solitaires peuvent se former à partir de l'effondrement d'un nuage de gaz trop petit pour entraîner la formation d'une étoile, ou qu'elles ont pu être éjectées de leur système parent. Mais on ignore encore quel mécanisme est le plus probable.

De nouvelles avancées technologiques seront essentielles pour percer le mystère de ces planètes nomades. L'équipe espère continuer à les étudier plus en détail avec le futur ELT (Extremely Large Telescope) de l'ESO, actuellement en construction dans le désert chilien d'Atacama. L'ELT devrait commencer ses observations dans le courant de la décennie. "Ces objets sont extrêmement peu lumineux et les installations actuelles ne permettent guère de les étudier", explique Hervé Bouy. "L'ELT sera absolument crucial pour recueillir davantage d'informations sur la plupart des planètes errantes que nous avons trouvées."

Les astronomes ont utilisé les télescopes de l'ESO pour détecter au moins 70 planètes errantes dans notre Voie Lactée, le plus grand groupe détecté à ce jour. Apprenez-en davantage sur ces insaisissables nomades cosmiques dans cette vidéo qui résume la découverte !
Crédit:
ESO

Cette animation d'artiste montre à quoi pourrait ressembler une planète errante, c'est-à-dire une planète qui n'est pas en orbite autour d'une étoile mais qui se déplace librement. Récemment, une équipe d'astronomes, utilisant les données de plusieurs télescopes de l'Observatoire Européen Austral (ESO) et d'autres installations, a découvert au moins 70 nouvelles planètes errantes dans la région de Rho Ophiuchi, visible à l'arrière-plan.
Crédit: ESO/M. Kornmesser

Cette animation nous permet de plonger en direction des constellations du Haut Scorpion et du Serpentaire, où le plus grand groupe de planètes errantes - au moins 70, mises en évidence dans les cercles - a été récemment découvert. Nous faisons ici un zoom sur l'une d'entre elle. Les planètes errantes ne sont pas en orbite autour d'une étoile mais se déplacent librement par elles-mêmes. Se cachant loin de toute étoile qui l'illumine, la planète nomade ne brille pas par la lumière réfléchie, mais émet une faible lueur qui ne peut être détectée que dans l'infrarouge. À environ 40 secondes dans la vidéo, nous voyons cette faible lueur sur une image réelle d'une planète errante obtenue à l'aide des données des télescopes VST et VISTA. À la fin de la vidéo, une vue d'artiste montre à quoi pourrait ressembler cette planète en lumière visible.
Crédit: ESO/L. Calçada/N. Risinger (skysurvey.org)/DSS2/Miret-Roig et al./M. Kornmesser. Music: Johan B Monell - Coctail Alle

Note:

(1) Le nombre exact de planètes errantes découvertes par l'équipe est difficile à déterminer car les observations ne permettent pas aux chercheurs de mesurer les masses des objets sondés. Les objets dont la masse est supérieure à environ 13 fois la masse de Jupiter ne sont très probablement pas des planètes, et ne peuvent donc pas être inclus dans le décompte. Cependant, comme l'équipe ne disposait pas de valeurs pour la masse, elle a dû se fier à l'étude de la luminosité des planètes pour fournir une limite supérieure au nombre de planètes errantes observées. La luminosité est, à son tour, liée à l'âge des planètes elles-mêmes, car plus une planète est âgée, plus elle s'est refroidie et a perdu de sa luminosité. Si la région étudiée est ancienne, alors les objets les plus brillants de l'échantillon ont probablement une masse supérieure à 13 Jupiter, et inférieure si la région est plus jeune. Compte tenu de l'incertitude quant à l'âge de la région étudiée, cette méthode donne un nombre de planètes errantes compris entre 70 et 170.
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