Des chercheurs du laboratoire Génétique moléculaire, génomique et microbiologie (GMGM, CNRS/Université de Strasbourg) ont identifié, dans un drainage minier acide situé dans le sud de la France, des protéines capables de dégrader l'amidon qui n'ont encore aucun homologue enzymatique connu à ce jour. Ces résultats, publiés dans la revue
Scientific Reports, confirment que les milieux oligotrophes, tels que les drainages miniers acides, constituent des réservoirs de gènes de première importance.
Depuis de nombreuses décennies, la recherche d'enzymes ou de bactéries d'intérêt industriel ou fondamental se fait généralement via une prospection orientée. Ainsi, si le but est de détecter et de caractériser une cellulase qui fonctionne à des températures élevées, les criblages se font dans des environnements extrêmement chauds comme les cheminées hydrothermales. Pourtant, la bioprospection dans des sites a priori incongrus permet de faire des découvertes intéressantes, tant sur le plan fondamental qu'industriel.
Les drainages miniers acides sont des environnements extrêmes caractérisés par une forte acidité, des concentrations en métaux importantes et une faible concentration en carbone organique, ce qui se traduit par une faible diversité microbienne. Ces écosystèmes sont étudiés depuis de nombreuses années, mais ces études sont plutôt focalisées sur des aspects géochimiques. Ainsi, peu de travaux ont porté sur la recherche et la caractérisation d'enzymes de dégradation de la matière organique complexe dans ces sites oligotrophes.
Figure: Drainage minier acide de Carnoulès dans le Gard. © GMGM, François Delevat
En collaboration avec le Laboratoire d'ingénierie des polymères pour les hautes technologies (Ecole européenne de chimie polymères et matériaux de l'Université de Strasbourg), les chercheurs de l'équipe "Ecophysiologie moléculaire des micro-organismes" au laboratoire GMGM ont criblé une banque d'ADN métagénomique, provenant du drainage minier acide de Carnoulès dans le Gard et construite dans l'espèce bactérienne Escherichia coli, pour identifier des enzymes qui dégradent l'amidon. Le criblage de 80 000 clones bactériens a permis d'en détecter 28 possédant une activité amylotique. L'analyse par séquençage de dix inserts a ensuite montré qu'aucun d'entre eux ne présente de gènes qui codent pour une protéine annotée "amylase" dans les banques de données.
Les chercheurs ont conduit un sous-clonage de deux gènes candidats, suivi de la purification et de la caractérisation partielle des protéines correspondantes. Une analyse par PACE, ou "Polysaccharide analysis using carbohydrate gel electrophoresis", couplée à l'utilisation de substrats chromogènes a alors permis de confirmer, in vitro, l'activité amylolytique de ces protéines. Pourtant, l'analyse complète in silico des séquences protéiques obtenues montrent que ces protéines, non-homologues entre elles, ne présentent de similarité de séquence avec aucune des amylases ou des hydrolases actuellement répertoriées. Cette absence de similarité avec les glycosidases connues a également été mise en évidence par l'impossibilité de prédire une structure tridimensionnelle statistiquement robuste en utilisant le logiciel I-TASSER. La première protéine identifiée ne ressemble d'ailleurs à aucune autre protéine connue. La seconde en revanche, présente une identité non négligeable avec une protéine du système de sécrétion de type IV, dont la fonction n'a pas encore été définie.
Outre le fait que cette étude permette ici d'annoter des gènes codant pour des protéines de fonctions inconnues, ce criblage des activités amylolytiques dans un milieu oligotrophe extrême comme le drainage minier acide de Carnoulès, montre que la bioprospection dans des environnements a priori incongrus ouvre un autre pan fort intéressant de la microbiologie. Cette étude permet également d'envisager le site de Carnoulès et plus généralement les drainages miniers acides comme de nouveaux réservoirs de gènes.
Référence:
Amylases without known homologues discovered in an acid mine drainage: significance and impact, François Delavat, Vincent Phalip, Anne Forster, Frédéric Plewniak, Marie-Claire Lett, Didier Lièvremont, Scientific Reports (2012), 2(354), doi:10.38/srep00354.