Adrien - Samedi 4 Octobre 2014

Découverte de deux Jupiters chaudes autour d'un système binaire

Des astronomes européens ont découvert deux nouvelles exoplanètes de la taille de Jupiter, chacune en orbite très serrée autour d'une des deux étoiles d'un système binaire.


Paire d'étoiles, avec chacune une planète géante en orbite courte, avec une des deux planètes qui passe devant l'étoile et l'autre pas. Illustration: © Cheongho Han, Chungbuk National University, Republic of Korea

La majorité des exoplanètes connues à ce jour sont en orbite autour d'étoiles isolées, comme notre Soleil. Pourtant, 40 à 50% des étoiles de notre Galaxie font partie de systèmes multiples, la plupart binaires, formés à partir du même nuage de gaz. Maintenant, pour la première fois, deux étoiles d'un même système binaire sont connues pour abriter chacune une exoplanète de type "Jupiter chaude".


La découverte de ces deux planètes, en orbite autour des étoiles nommées WASP-94A et WASP-94B, a été faite par une équipe d'astronomes anglais, suisses et belges. Le projet britannique WASP-South a découvert de minuscules signaux dans la lumière de WASP-94A suggérant qu'une planète de la taille de Jupiter passait périodiquement devant l'étoile (transit planétaire); les astronomes suisses ont confirmé l'existence de cette planète, puis ont découvert sa jumelle autour de l'autre étoile WASP-94B; les astronomes belges de l'Université de Liège ont alors utilisé leur télescope robotique TRAPPIST, situé au Chili, pour mesurer avec précision la taille de la première planète, et pour montrer que la deuxième planète ne passait pas devant son étoile.

Les planètes de type "Jupiter chaudes" sont beaucoup plus proches de leur étoile que notre propre Jupiter, avec une "année" qui ne dure que quelques jours. L'existence de planètes aussi massives si près de leur étoile est une énigme de longue date, car elles ne pourraient pas s'y former eon des températures extrêmes qui y règnent. Elles doivent donc se former beaucoup plus loin, où il fait assez froid dans le disque proto-planétaire entourant la jeune étoile pour que des glaces puissent subsister et former par agglomération le noyau d'une nouvelle planète. Quelque chose doit alors déplacer la planète dans une orbite proche, et un mécanisme probable est une interaction avec une autre planète ou une étoile.

La découverte de Jupiters chaudes en orbite autour de chacune des deux étoiles d'un système binaire pourrait nous permettre de mieux comprendre ce processus mystérieux.

"Les Jupiters chaudes sont très rares, de sorte qu'il serait peu probable de découvrir deux d'entre elles dans le même système stellaire par pur hasard. Peut-être que le système WASP-94 présente les conditions optimales pour la production de telles planètes? Si c'est le cas, WASP-94 pourrait être un système important pour mieux comprendre comment ces Jupiters chaudes finissent sur des orbites si petites" explique Michaël Gillon, en charge du programme exoplanètes de TRAPPIST au sein de l'Université de Liège.


WASP est le programme de recherche de Jupiters chaudes en transit le plus fructueux au monde. Depuis l'Afrique du Sud, le télescope WASP-Sud scrute à chaque nuit claire des dizaines de milliers d'étoiles dans l'espoir de détecter pour certaines d'entre elles le "transit" d'une planète. L'équipe belge de l'Université de Liège sélectionne alors les meilleurs candidats de WASP afin d'obtenir pour eux des données de plus haute qualité permettant de confirmer ou d'infirmer les signaux de transit, et de mesurer la taille des objets en transit.

Enfin, les astronomes de l'Observatoire de Genève mesurent la masse de ces objets en détectant l'attraction gravitationnelle qu'ils exercent sur leurs étoiles hôtes. En combinant la masse et la taille des objets, les astronomes peuvent confirmer leur nature planétaire et estimer leur nature (gazeuse, rocheuse, glacée, etc.)

Cette collaboration européenne a maintenant permis de découvrir plus de 100 planètes de type "Jupiter chaude". Beaucoup de ces planètes orbitent autour d'étoiles relativement brillantes, ce qui facilite leur étude détaillée et suscite l'intérêt de nombreuses équipes de recherche de part le monde.


Notes:

- Le papier de découverte est dirigé par Marion Neveu-VanMalle (Observatoire de Genève et Université de Cambridge) et est disponible sur http://www.arxiv.org/abs/1409.7566

- Le consortium WASP ("Wide Angle Search for Planets", recherche à grand champs de planètes) est composé d'astronomes des universités de Keele, Warwick, St. Andrews et Cambridge, et collabore avec l'Observatoire de Genève (Suisse) et l'Université de Liège (Belgique).

- Les systèmes planétaires WASP sont nommés séquentiellement, WASP-94 étant donc le 94ème système découvert. WASP-94A désigne l'étoile la plus brillante du système binaire, WASP-94B étant donc la plus faible. Ce système se trouve à 180 parsecs de la Terre, soit environ 600 années-lumière, dans la constellation du Microscope. Ces deux étoiles ont été observées pour la première fois en 1834 par l'astronome britannique Sir John Herschel.

- Le projet TRAPPIST de l'ULg est financé par le Fonds de la Recherche Scientifique (F.R.S.-FNRS)


Pour plus d'information voir:
- https://www.ulg.ac.be/cms/c_5174554/fr/decouverte-de-deux-jupiters-chaudes-autour-d-etoiles-dun-systeme-binaire
- http://arxiv.org/abs/1409.7566
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