Une découverte majeure en Éthiopie éclaire d'un jour nouveau notre arbre généalogique. Des dents fossilisées révèlent une cohabitation surprenante entre deux lignées d'homininés il y a plus de 2,5 millions d'années.
Ces fossiles, exhumés sur le site de Ledi-Geraru, suggèrent une histoire évolutive bien plus buissonnante que le récit linéaire souvent imaginé. L'analyse minutieuse de ces vestiges permet de documenter une période charnière, encore mal connue, où plusieurs espèces cousines ont partagé le même paysage.
Détail du cône distal (lignes orange) et du contour bilobé (lignes bleues) observés sur le spécimen AL 400-1 d'A. afarensis M 1 (à droite) contrastant avec le profil occlusal globalement plus équilatéral du spécimen LD 760 M 1 (à gauche).
Une cohabitation inattendue
Les chercheurs ont identifié treize dents, datées avec précision grâce aux couches de cendres volcaniques encaissantes. Dix d'entre elles, vieilles de 2,63 millions d'années, appartiennent à un représentant du genre Australopithecus. Leur morphologie distinctive ne correspond à aucune espèce connue de ce groupe, évoquant potentiellement une nouvelle lignée.
Trois autres dents, légèrement plus jeunes et plus anciennes, sont attribuées au genre Homo. Cette association directe dans les mêmes sédiments est une preuve rare de coexistence. Elle invalide l'idée d'un remplacement simple et immédiat d'Australopithecus par le genre Homo.
Le site de Ledi-Geraru est déjà célèbre pour avoir livré la plus ancienne mâchoire d'Homo connue. La présence d'outils lithiques Oldowan parmi les plus archaïques complète ce tableau pour comprendre les origines de notre lignée. Cette zone était alors une plaine herbeuse parcourue de cours d'eau saisonniers.
Un buisson évolutif foisonnant
Cette découverte s'inscrit dans un paysage paléoanthropologique de plus en plus complexe pour le Pliocène. Jusqu'à quatre lignées d'homininés différentes ont pu coexister en Afrique orientale vers 2,5 millions d'années. Australopithecus garhi et le Paranthropus complétaient probablement ce tableau aux côtés des genres documentés à Ledi-Geraru.
La distinction morphologique des dents d'Australopithecus avec celles d'A. afarensis et d'A. garhi est notable. Les particularités des cuspides et des canines indiquent une adaptation ou une spécialisation différente. L'équipe scientifique reste prudente et attend de découvrir plus de fossiles avant de proposer officiellement un nouveau nom d'espèce.
L'étude future de la composition isotopique de l'émail dentaire apportera des informations clés sur les régimes alimentaires de ces espèces. Ces analyses permettront de comprendre si elles exploitaient des niches écologiques distinctes ou si une compétition directe pour la nourriture existait. La question de leur interaction réelle reste entière.