Adrien - Mercredi 22 Juin 2011

Contrôle de l'activité de la kinase Greatwall

Des chercheurs du Centre de recherche en biochimie macromoléculaire (CRBM, CNRS/Universités Montpellier 1 et 2) viennent de caractériser les mécanismes régulateurs de l'activité de Greatwall, une protéine essentielle au bon déroulement de la division des cellules. Ils ouvrent ainsi l'espoir de cibler de nouveaux événements cellulaires pour contrecarrer le développement de tumeurs. Ces travaux, menés en collaboration avec l'Institut de pharmacologie et de biologie structurale (IPBS, CNRS/Université Toulouse III - Paul Sabatier) et le Centre de biochimie structurale (CBS, CNRS/Inserm/Universités Montpellier 1 et 2), ont été publiés dans la revue Molecular and cellular biology le 28 mars 2011.

Les cellules se reproduisent par mitose, c'est-à-dire par leur propre division en deux cellules identiques, qui permet une répartition égale du matériel génétique. L'apparition d'anomalies au cours de la mitose peut conduire à des divisions anormales, responsables de la mort de cellules ou de la formation de tumeurs.


Figure: La modélisation de la protéine kinase Greatwall est basée sur la structure de la protéine kinase C, un autre membre de la famille des kinases AGC, mettant en évidence la conservation des principaux domaines de cette famille. © CRBM, T. Lorca, A. Castro / CBS, G. Labesse


La mitose est finement régulée, notamment par la phosphorylation (addition d'un résidu phosphate) de protéines qui assurent le bon déroulement spatio-temporel de la division cellulaire. Le processus de phosphorylation est mis en oeuvre par une famille de protéines bien particulière, les kinases. Lors de travaux récents (*), l'équipe dirigée par Thierry Lorca et Anna Castro au CRBM a identifié une sérine/thréonine kinase nommée Greatwall, dont l'activation induit les phosphorylations protéiques essentielles au contrôle de la mitose. Cette nouvelle protéine représente ainsi une cible thérapeutique d'intérêt pour réguler la division anarchique qui caractérise les cellules cancéreuses. Mais bien que les chercheurs soient parvenus à décrypter de manière très précise les voies de signalisation initiées par Greatwall au cours de la division mitotique, les mécanismes qui régulent en amont la kinase elle-même sont cependant restés énigmatiques.

C'est pourquoi l'équipe du CRBM s'est concentrée sur les évènements responsables de l'activation de Greatwall. Grâce à des études d'homologie de séquences, les chercheurs ont alors pu montrer que la protéine appartient à une sous-famille de kinases, les AGC kinases, malgré la présence d'une insertion de 550 acides aminés supplémentaires dans le domaine kinase. De manière surprenante, ils ont découvert que les mécanismes d'activation de Greatwall sont différents de ceux des autres AGC kinases. Bien que Greatwall semble dépourvu du motif hydrophobe classiquement retrouvé chez la plupart des membres de cette famille, les scientifiques ont mis en évidence la présence d'une poche hydrophobe fonctionnelle. Des expériences de modélisation moléculaire et de mutagenèse ont également indiqué que Greatwall présente un site très conservé au niveau de la sérine 875, dont la phosphorylation entraîne l'interaction de ce résidu avec une lysine à l'extrémité N-terminale, conduisant à l'activation partielle de la kinase. Cette interaction pourrait stabiliser la structure catalytique de la protéine. Les autres sites de phosphorylation identifiés et leurs rôles putatifs sur l'activité de Greatwall ont été analysés et seule la phosphorylation de la sérine 875 semble essentielle à l'activation de la kinase. Une fois le changement de conformation de Greatwall induit par la phosphorylation de la sérine 875, une seconde étape permet son activation complète: il s'agit de la liaison de sa poche hydrophobe au motif hydrophobe d'une autre AGC kinase.


En résumé, ces résultats permettent de classer Greatwall dans la famille des AGC kinases et montrent qu'elle est contrôlée par des mécanismes qui lui sont propres: l'activation de la protéine, qui se fait en deux étapes, est différente de celle décrite pour les autres membres de cette famille de kinases, pour lesquels la présence d'un motif hydrophobe conventionnel et la phosphorylation de deux résidus sont en principe nécessaires. L'identification de ces mécanismes permettrait de corriger des défauts d'activation de Greatwall et donc de la régulation de la mitose, évitant ainsi l'apparition de cellules tumorales.
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