L'équipe de Florence Niedergang, en collaboration avec Serge Benichou à l'Institut Cochin, révèle le mécanisme par lequel le virus du SIDA (VIH-1) altère la fonction d'élimination des microorganismes pathogènes des macrophages. Les chercheurs montrent pour la première fois que la protéine virale Vpr du VIH-1 interagit avec des moteurs moléculaires associés aux microtubules. Ceci perturbe le mouvement et en conséquence la maturation des phagosomes, les organites responsables de la dégradation du matériel ingéré par les macrophages, contribuant ainsi au développement de bactéries opportunistes. Ces travaux sont publiés dans la revue
The Journal of Cell Biology.
Figure: Rôle crucial de la protéine virale Vpr dans l'inhibition de la maturation des phagosomes dans les macrophages infectés par le VIH-1. La protéine virale Vpr interagit avec les protéines associées aux microtubules EB1, p150Glued et la chaîne lourde de la Dynéine (DHC) et les détourne de leur localisation à l'extrémité périphérique (+) des microtubules (schématisés en violet). Ceci perturbe (barres vertes) la fonction des moteurs moléculaires chargés du transport des compartiments vers le centre de la cellule (extrémités - au niveau du centre organisateur des microtubules). De ce fait, les événements de fusion et de tri des compartiments intracellulaires s'opèrent mal et la maturation des phagosomes en phagosomes tardifs puis phagolysosomes dégradatifs, est altérée, ce qui se traduit par la diminution (barres vertes) des marqueurs LAMP1, des hydrolases et de la production de réactifs oxygénés (ROS). L'inhibition de la maturation s'opère en particulier au niveau d'une machinerie de tri faisant intervenir les molécules MICAL-L1 et EHD3, détournée par le virus.
© Florence Niedergang
Les macrophages sont des cellules du système immunitaire spécialisées dans la capture et l'élimination de débris et de microorganismes. Cette fonction de "nettoyage" appelée aussi clairance ou phagocytose, est essentielle à l'équilibre de l'organisme ainsi qu'à l'orchestration des réponses immunitaires. Le virus de l'Immunodéficience humaine de type 1 ou VIH-1 infecte les lymphocytes T CD4+, mais aussi les macrophages. Ces derniers sont résistants à la cytotoxicité et sont considérés comme des réservoirs pour le virus. L'infection virale perturbe leurs fonctions, ce qui contribue au développement de maladies dites opportunistes. Cependant, le mécanisme de cette perturbation demeurait mal connu.
L'équipe de Florence Niedergang, en collaboration avec Serge Benichou, montre que les macrophages humains infectés par le VIH-1 sont incapables de s'activer normalement en réponse à un stimulus phagocytaire et d'éliminer efficacement des bactéries. La maturation des phagosomes est altérée, car ces organites responsables de la dégradation du matériel ingéré contiennent moins d'activité lytique et de réactifs oxygénés. Les chercheurs démontrent que l'arrêt de maturation de ce compartiment a lieu au niveau d'une nouvelle machinerie intracellulaire détournée par le virus et qui implique les protéines nommées MICAL-L1 et EHD3. La maturation des compartiments intracellulaires dépend de leur migration vers le centre de la cellule sur des "rails", les microtubules. De façon inattendue, les chercheurs identifient la protéine virale Vpr comme responsable des perturbations observées. Ils montrent en effet qu'elle interagit avec des protéines associées aux microtubules et qu'elle perturbe leur fonctionnement dans les macrophages infectés par le virus. Ceci a pour effet d'altérer le mouvement et donc la maturation des phagosomes. La protéine Vpr est ainsi identifiée comme un nouveau régulateur du trafic intracellulaire dépendant des microtubules, et dont la présence dans les macrophages conduit à des défauts de biogénèse des phagolysosomes.
Ces travaux ont une portée d'intérêt général pour plusieurs raisons. Ils mettent en évidence de nouvelles étapes de maturation des phagosomes reposant sur les molécules MICAL-L1 et EHD3. Ils identifient de nouveaux effecteurs cellulaires détournés par le VIH-1, et en particulier par la protéine Vpr, qui sont des protéines cruciales pour l'activité des moteurs transportant les cargos le long des microtubules. Ainsi, l'impact sur les phagosomes pourrait avoir des effets plus larges dans les cellules cibles du VIH. Enfin, ces travaux éclairent le mécanisme de la diminution des fonctions majeures d'activation et de clairance des macrophages par le VIH, ce qui participe au développement de bactéries opportunistes et donc à la pathogénèse virale.