Michel - Mardi 19 Janvier 2010

Les chercheurs rendent accessible un nouveau pan de la génomique structurale

Des chercheurs grenoblois de la Direction des sciences du vivant du CEA, du CNRS et de l'Université Joseph Fourier , viennent de développer une approche rendant enfin accessible une nouvelle partie du génome humain aux études structurales. En effet, près de 40 % des protéines sont caractérisées par une structure intrinsèquement désordonnée qui n'autorise pas leur étude par les techniques classiques de biologie structurale. En réussissant à caractériser les propriétés structurales d'une de ces protéines par une technique innovante de résonance magnétique nucléaire, ces chercheurs ont relevé un défi majeur de la génomique structurale actuelle. Grâce à cette avancée, il sera désormais possible de comprendre les relations entre la structure et la fonction de ces protéines intrinsèquement désordonnées qui jouent un rôle clé dans de nombreuses pathologies humaines. Ces travaux ont été publiés le 11 janvier online par la revue Journal of American Chemical Society.


L'approche développée permet la transformation des informations spectrales très simples en un modèle
des propriétés structurales et dynamiques des protéines intrinsèquement désordonnées.
Le domaine désordonné de la nucléoprotéine du virus de Sendai est montré ici,
avec le site actif partiellement structuré en hélice.


La génomique structurale (1) est fondée sur l'hypothèse que la résolution de la structure tridimensionnelle des protéines permettra de comprendre les processus biologiques du vivant. Cependant, jusqu'à maintenant, les techniques de biologie structurale ne permettaient pas de connaitre la structure tridimensionnelle des protéines intrinsèquement désordonnées (PIDs) (2), soit environ 40% des protéines codées par le génome humain. Un grand nombre de ces protéines sont associées à des maladies humaines, comme la protéine Tau impliquée dans le développement de la maladie d'Alzheimer, ou de la protéine p53, un des plus importants suppresseurs de tumeurs, impliqué dans de nombreux cancers. L'impossibilité de déterminer la structure de ces protéines, notamment lors de leur fonctionnement (interaction avec leurs partenaires par exemple), rend irréalisable le décryptage de nombreux processus moléculaires essentiels. Le développement des méthodes pour étudier le comportement conformationnel (3) des PIDs constitue donc un défi majeur pour toute la communauté scientifique de la biologie structurale contemporaine.

Pour la première fois, les chercheurs grenoblois de la Direction des sciences du vivant du CEA, du CNRS et de l'Université Joseph Fourier, en collaboration avec les chercheurs de l'UVHCI (4), viennent de décrire de façon très précise les propriétés structurales et dynamiques d'une de ces protéines intrinsèquement désordonnée, la nucléoprotéine du virus Sendai (virus proche du virus de la rougeole). Cette protéine joue un rôle essentiel dans la transcription et la réplication du virus à l'intérieur des cellules infectées. Pour cela les chercheurs ont mis au point une technique basée sur la résonance magnétique nucléaire. En observant la moyenne des déplacements chimiques des atomes constituant la protéine, ils ont pu décrire au niveau atomique la structure de la partie de la protéine qui interagit avec son partenaire (une polymérase virale) pour permettre l'activation de la transcription et de la réplication du virus.

Avec cette technique, il est désormais possible d'envisager de caractériser de nombreuses protéines intrinsèquement désordonnées, de mieux comprendre leur fonctionnement ou dysfonctionnement, et de développer à terme d'éventuels inhibiteurs pharmacologiques.

L'Institut de Biologie Structurale Jean Pierre Ebel (IBS)



A la fois centre de recherche, plateau technique et site d'accueil et de formation scientifique, l' Institut de Biologie Structurale Jean Pierre Ebel (IBS) a pour vocation le développement de recherches en biologie structurale, un champ de recherche capital pour la compréhension des mécanismes biologiques fondamentaux. Dans son étude structurale et fonctionnelle des macromolécules biologiques (notamment des protéines), l'IBS propose une approche multi-disciplinaire (aux frontières de la biologie, de la physique et de la chimie) alliant recherche fondamentale et développement de techniques innovantes. L'institut se focalise particulièrement sur trois thématiques biologiques en cohérence avec une demande sociétale croissante dans les domaines de la santé et de l'environnement: la division cellulaire, l'immunité et les interactions hôte-pathogènes et les limites du vivant.

Crée conjointement par le CEA et le CNRS en 1992, l'institut est devenu unité mixte de recherche CEA-CNRS-Université Joseph Fourier en 1999. Depuis 2002, l'IBS s'intègre dans un ensemble plus vaste, le Partenariat pour la Biologie Structurale (PSB), dont le premier objectif est l'étude des protéines d'intérêt biomédical. Ce partenariat crée sur le polygone scientifique de Grenoble un pôle d'excellence offrant une palette de techniques en biologie structurale unique en Europe.


Notes:

(1) La génomique structurale est une nouvelle discipline issue de la génomique . Elle vise à décrire systématiquement la structure tridimensionnelle de l'ensemble des protéines codées par un génome donné, en utilisant les techniques biophysiques de cristallographie aux rayons X et de RMN.

(2) Protéines intrinsèquement désordonnées: protéines qui sont fonctionnelles en dépit d'une absence de structure tridimensionnelle stable.

(3) Comportement conformationnel: propriétés structurales et dynamiques décrivant le désordre intrinsèque de ces protéines.

(4) Professor Rob Ruigrok, Unit of Virus Host Cell Interactions (UVHCI) UMI 3265 UJF-EMBL-CNRS Grenoble.
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