Adrien - Vendredi 8 Juillet 2005

Changements climatiques abrupts: le rôle du cycle de l'eau

Le climat de la dernière période glaciaire a été ponctué d'une série de changements climatiques se produisant en quelques dizaines d'années avec des "coups de froid" et "coups de chaud" jusque là estimés à cinq degrés environ. De nouvelles analyses ont été conduites sur les glaces du Groenland par les chercheurs du Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE, CEA/CNRS) (1) en collaboration avec des équipes danoises, islandaises, suisses et américaines. Elles ont révélé que ces changements "abrupts" sont plus importants, pouvant atteindre localement 16°C. Les chercheurs montrent aussi, pour la première fois, que ces variations sont corrélées à une réorganisation saisonnière de la circulation atmosphérique et du cycle de l'eau. L'ensemble de ces résultats ouvre des perspectives pour l'élaboration de modèles climatiques plus performants. Ils font l'objet d'une publication dans la revue Science du vendredi 1er juillet.


Le Groenland vu de l'espace

Les changements climatiques de la dernière période glaciaire étaient, jusque là, évaluées par les variations de la teneur en oxygène 18 (2) de la glace des forages du Groenland (3). Cette méthode conventionnelle a permis d'estimer ces variations à 5 degrés environ en quelques dizaines ou centaines d'années.


Les résultats publiés dans la revue Science, à partir des glaces du forage GRIP, s'appuient sur une méthode originale: l'étude conjointe de l'oxygène 18 et d'un second isotope présent dans la glace, le deutérium (4), dont l'analyse est effectuée au LSCE à Saclay. Cette méthode a l'avantage d'évaluer la température depuis l'évaporation de l'eau à la surface océanique (deutérium) jusqu'à la formation des flocons de neige au Groenland (oxygène 18). Elle a ainsi permis aux chercheurs de corréler les variations climatiques avec une réorganisation de la circulation atmosphérique et du cycle de l'eau dans tout l'hémisphère Nord. Plus précisément, les auteurs ont mis en évidence deux effets particulièrement importants illustrant les capacités de la "machine climatique" à générer des changements climatiques abrupts: les changements, à l'échelle saisonnière, des trajectoires des passages dépressionnaires et ceux du volume de la banquise. Ces variations se produisent en plus des changements de circulation océanique déjà mis en évidence par l'analyse des sédiments marins de l'Atlantique Nord.

Cette nouvelle étude renforce ainsi la nécessité de tenir compte des variations saisonnières des précipitations, très différentes en période glaciaire de celles que nous connaissons actuellement, pour aboutir à une interprétation correcte des enregistrements isotopiques du Groenland.

Ces résultats représentent un défi pour les nouveaux modèles climatiques qui devront intégrer de nouveaux paramètres afin de rendre compte de ces changements climatiques abrupts atteignant 16°C. Ils permettront ainsi une meilleure estimation du risque d'évènements abrupts au cours de l'évolution future du climat.

(1) Ces travaux ont aussi reçu le soutien de l'IPEV (Institut français Paul-Emile Victor) et du Programme national d'étude de la dynamique du climat piloté par l'Institut national des sciences de l'univers du CNRS.
(2) La teneur en oxygène 18 permet d'évaluer la température au Groenland au moment où la neige s'est formée.
(3) Forages de GRIP, GISP2 et North GRIP (Greenland Ice Core Project).
(4) Le deutérium est un isotope de l'hydrogène. La combinaison de l'oxygène 18 et du deutérium permet d'évaluer la température à la surface de l'océan au moment ou l'eau s'est évaporée.


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