Adrien - Jeudi 24 Mai 2018

Le changement climatique peut-il augmenter le risque de gelées tardives ?

Des chercheurs de plusieurs laboratoires ont réalisé des simulations afin d'étudier l'évolution future du risque de gelées tardives, gelées qui se produisent après la formation des bourgeons de la vigne. Le climat plus chaud à venir devrait connaître moins de jours de gelées, pourtant les chercheurs ont trouvé une augmentation du risque de gelées tardives dans certaines régions continentales françaises telles que la Champagne, la Bourgogne et l'Alsace. Ce paradoxe s'explique par une avancée importante dans l'année de la date de bourgeonnement, liée à des température plus chaudes. Les régions côtières, comme le Bordelais et le secteur méditerranéen, seraient plus épargnées du fait de la rareté extrême des jours de gel dans le climat futur de ces régions.

Fin avril 2017, une forte gelée affecte toute la France. Elle abîme fortement les bourgeons qui se sont déjà formés, mettant en péril la production agricole, en particulier dans le secteur viticole. Cet événement fait écho à un épisode similaire de gel tardif en 2016 qui avait touché de nombreuses régions françaises et provoqué des pertes importantes en matière de production de vin. Ces épisodes de gel ayant lieu après la phase dite de débourrement, lorsque le bourgeon se forme, sont appelés gelées tardives et peuvent détruire les bourgeons et les jeunes pousses, et ainsi sérieusement compromettre la croissance du fruit et la récolte à venir.

Les gelées tardives restent normalement des événements exceptionnels, liés surtout à la météorologie. Cependant, dans un contexte de changement climatique, on peut se demander si la fréquence de tels événements pourrait être modifiée.


Probabilité de gel tardif (en %) pour le Chardonnay selon le modèle phénologique GDD pour (a) les conditions climatiques actuelles (1980-2009) et (b) les futures conditions climatiques(2071-2100) projeté par les simulations RCP8.5.
Pour répondre à cette question, un groupe de chercheurs de l'université de Bordeaux, du CERFACS de Toulouse et de l'INRA d'Avignon a couplé un ensemble de modèles climatiques qui simulent le climat futur avec une série de modèles phénologiques simulant la date de débourrement de la vigne. Les résultats publiés dans la revue Agricultural and Forest Meteorology indiquent une augmentation du risque de gelées tardives dans certaines régions françaises.


Ce résultat peut apparaître paradoxal. En effet, les modèles climatiques simulent moins de jours de gelées dans un climat à venir plus chaud, avec les dernières gelées qui arrivent plus tôt dans l'année, ce qui devrait limiter le risque de gelées tardives. Cependant, les modèles phénologiques montrent que, dans un climat plus chaud, les dates de débourrement dans certaines régions sont beaucoup plus précoces que la date de dernière gelée, exposant ainsi la vigne à plus de dégâts dus au gel.

Les situations les plus critiques peuvent se produire dans les régions continentales telles que la Champagne, la Bourgogne et l'Alsace, où la culture des cépages précoces, comme le Chardonnay et le Pinot noir, combinée à l'évolution des conditions climatiques locales peut augmenter considérablement le risque de dommage dû aux gelées tardives, qui peut aller jusqu'à doubler à la fin du siècle. Le résultat est différent pour les régions côtières, comme le Bordelais et le secteur méditerranéen, où les jours de gel deviendront si rares qu'ils minimiseront le risque de dommages causés par le gel, et ceci malgré un débourrement très précoce de la vigne.

Bien qu'il existe encore des incertitudes fortes, liées notamment à la précision régionale des scénarios climatiques et aux différences quantitatives entre les modèles phénologiques utilisés, cette étude est particulièrement importante pour la planification à long terme des stratégies d'adaptation au changement climatique dans le secteur viticole, et plus généralement pour la production agricole.
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