Cédric - Vendredi 21 Novembre 2025

🧠 Cet animal se révèle être... un cerveau géant

Une récente étude bouscule notre compréhension des systèmes nerveux chez les animaux. Le modeste oursin, une créature marine dépourvue de cerveau centralisé, révèle pourtant une organisation neuronale d'une complexité étonnante. Cette découverte remet en cause les frontières établies entre les organismes dits "simples" et ceux considérés comme complexes, indiquant que l'intelligence peut émerger selon des schémas radicalement différents du nôtre.


Image Wikimedia

Les échinodermes (qui incluent notamment les oursins et les étoiles de mer) présentent un développement particulier: ils commencent leur existence sous une forme larvaire à symétrie bilatérale, semblable à de nombreux autres animaux, avant de se métamorphoser en adultes avec une symétrie radiale. Cette transformation pose une question fondamentale aux biologistes: comment un même patrimoine génétique peut-il orchestrer deux plans corporels aussi distincts ? La réponse semble résider dans une réorganisation cellulaire profonde, où le système nerveux joue un rôle prépondérant.

Une architecture corporelle inédite



L'analyse génétique des jeunes oursins après métamorphose a livré des résultats surprenants. Leur corps adulte présente une signature génétique principalement "céphalique". Les gènes habituellement associés au développement du tronc chez les animaux bilatériens ne s'expriment que dans les organes internes comme l'intestin ou le système aquifère. L'organisation chez l'oursin indique l'absence d'une région tronc véritable, l'ensemble du corps extérieur étant structuré comme une extension de la région céphalique.

Cette distribution inhabituelle remet en cause les catégories anatomiques classiques. Les chercheurs du Muséum d'histoire naturelle de Berlin et de la Stazione Zoologica Anton Dohrn de Naples, ont observé que la frontière entre tête et tronc, si nette chez la plupart des espèces, semble s'être estompée au cours de l'évolution des oursins. Leur enveloppe corporelle externe fonctionnerait comme une vaste région sensorielle et neuronale unifiée.


La métamorphose des oursins représente ainsi bien plus qu'un simple changement de forme. Elle correspond à une réorganisation fondamentale de l'expression génétique, où les programmes développementaux typiquement céphaliques prennent le dessus sur ceux dédiés au tronc. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives sur l'évolution des plans corporels dans le règne animal.

Un système nerveux intégré et sensible


La diversité neuronale identifiée chez l'oursin dépasse toutes les attentes. Des centaines de types de neurones différents coexistent, exprimant à la fois des gènes spécifiques aux échinodermes et des gènes hautement conservés que l'on retrouve dans le système nerveux central des vertébrés. Cette combinaison unique présente un système intégré et non un simple réseau nerveux décentralisé.

La sensibilité à la lumière apparaît particulièrement sophistiquée. Les cellules photoréceptrices, réparties sur l'ensemble du corps, expriment différentes opsines, des protéines sensibles à la lumière. Un type cellulaire spécifique combine même la mélanopsine et l'opsine, indiquant une capacité à détecter et traiter les stimuli lumineux sans organe visuel dédié.


Cette organisation en "cerveau à l'échelle du corps" pourrait représenter une solution évolutive alternative à la centralisation neuronale. Le système nerveux de l'oursin démontre qu'une cognition distribuée peut atteindre une complexité fonctionnelle notable. Ces travaux, publiés dans Science Advances, invitent à reconsidérer ce qui constitue un système nerveux complexe dans le monde animal.
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