Le télescope spatial James Webb a récemment détecté des objets insolites dans l'Univers. Ces entités, qui pourraient être des "étoiles sombres", attisent une curiosité marquée chez les astronomes. Si elles sont confirmées, elles brilleraient grâce à un mécanisme lié à la matière noire, une substance invisible qui compose une grande partie du cosmos.
Si ces astres ne sont pas réellement obscurs, leur nom reflète une source d'énergie pour le moins singulière. À la différence des étoiles classiques qui tirent leur luminosité de la fusion nucléaire, elles seraient alimentées par l'annihilation de particules de matière noire (un processus expliqué plus loin). Cette particularité les rend plus froides en surface mais extrêmement brillantes en raison de leur taille immense, ce qui les distingue des astres ordinaires observés jusqu'à présent.
La matière noire, qui constitue environ 27 % du cosmos, reste insaisissable car elle n'émet pas de lumière visible. Les scientifiques pensent qu'elle est composée de particules neutres électriquement, qui s'annihilent en se heurtant, libérant ainsi de l'énergie. Ce mécanisme pourrait chauffer les gaz d'hydrogène et d'hélium primordiaux, empêchant leur effondrement rapide et retardant la formation stellaire classique, conduisant à la création d'étoiles sombres.
Revenons aux premiers temps de l'Univers: les nuages de gaz primitifs se sont effondrés sous l'effet de la gravité. Normalement, cela déclenche la fusion nucléaire, mais avec une forte densité de matière noire, l'annihilation produit une chaleur suffisante pour maintenir ces objets en équilibre. Les étoiles sombres pourraient ainsi vivre beaucoup plus longtemps que les étoiles standards, attirant continuellement de la matière noire pour rester lumineuses.
Trois objets vus par le JWST en décembre 2022 et identifiés comme des galaxies pourraient en réalité être d'immenses étoiles alimentées par la matière noire.
Crédit: NASA/ ESA
Afin d'identifier ces objets, les astronomes recherchent des signes spécifiques. Ils doivent être très anciens, avec un fort décalage vers le rouge dans leur lumière (voir l'explication en fin d'article), indiquant qu'ils se sont formés peu après le Big Bang. Leurs tailles sont colossales, atteignant des dizaines d'unités astronomiques (une unité astronomique représente la distance entre la Terre et le Soleil), et ils contiennent peu d'éléments lourds comme l'oxygène. Les données de James Webb ont révélé des candidats correspondant à ces critères.
En fin de vie, les étoiles sombres massives pourraient s'effondrer directement en trous noirs supermassifs. Cela offrirait une piste pour comprendre la formation rapide de tels trous noirs dans l'Univers jeune, comme celui observé dans la galaxie UHZ-1. Toutefois, cette idée ne fait pas l'unanimité, car certains chercheurs estiment que ces objets pourraient être des galaxies inhabituelles, nécessitant davantage d'études pour confirmer leur nature.
L'annihilation de la matière noire
L'annihilation de la matière noire est un processus théorique où des particules de cette substance entrent en collision et se détruisent mutuellement, libérant de l'énergie. Les modèles indiquent que ces particules sont leurs propres antiparticules, ce qui signifie qu'elles ont des propriétés opposées mais la même masse. Lorsqu'elles se rencontrent, elles s'annihilent en produisant des photons ou d'autres particules, convertissant leur masse en énergie selon la célèbre équation E=mc² d'Einstein.
Dans le cas des étoiles sombres, cette annihilation se produit à un taux élevé si la densité de matière noire est suffisante. L'énergie libérée chauffe les gaz environnants, comme l'hydrogène et l'hélium, créant une pression qui contrecarre l'effondrement gravitationnel. Ce mécanisme permet à ces objets de briller sans recourir à la fusion nucléaire, offrant une alternative aux processus stellaires classiques.
L'annihilation influence également la formation des structures dans l'Univers, en affectant la distribution de la chaleur et de la matière. Si confirmée, elle pourrait expliquer pourquoi certaines régions de l'espace présentent des anomalies lumineuses ou thermiques, ouvrant la voie à de nouvelles théories en astrophysique.
Le décalage vers le rouge et l'Univers ancien
Le décalage vers le rouge est un effet observé lorsque la lumière d'objets lointains s'étire vers des longueurs d'onde plus grandes, indiquant que l'Univers est en expansion. Pour les astronomes, cela sert d'outil pour mesurer les distances et l'âge des objets célestes. Plus le décalage est important, plus l'objet est ancien et éloigné, car sa lumière a voyagé plus longtemps à travers l'espace en expansion.
Concernant les étoiles sombres, ce décalage aide à identifier des candidats potentiels, car ces objets sont censés s'être formés peu après le Big Bang. Le télescope James Webb utilise des capteurs infrarouges pour détecter cette lumière décalée, révélant des structures qui autrement seraient invisibles. Cela permet d'étudier les premières générations d'étoiles et de galaxies, offrant un aperçu de l'Univers primordial.
Les données de décalage vers le rouge sont combinées avec d'autres mesures, comme la luminosité et la composition chimique, pour distinguer les étoiles sombres des galaxies normales. Par exemple, les étoiles sombres devraient montrer peu d'éléments lourds, car elles se forment à partir de matériaux primitifs. Cette approche multispectrale est essentielle pour valider les hypothèses sur ces objets énigmatiques.
Comprendre le décalage vers le rouge permet aussi d'étudier l'expansion accélérée de l'Univers, liée à l'énergie sombre. En cartographiant ces effets, les chercheurs peuvent reconstituer l'histoire cosmique et prédire l'évolution future.