Adrien - Jeudi 9 Octobre 2025

🧠 La carte cérébrale complète de nos prises de décision

Que se passe-t-il dans le cerveau lorsque l'on prend une décision ? Un large consortium de neuroscientifiques dévoile la première carte complète de l'activité cérébrale de ce processus complexe chez la souris.

Grâce à une résolution cellule par cellule jamais atteinte auparavant, cette carte cérébrale remet en cause la vision hiérarchique traditionnelle du traitement de l'information dans le cerveau. Elle démontre que le cerveau est capable de coordonner de nombreuses régions pour traiter simultanément différents stimuli externes, mais aussi d'établir des prédictions sur la base d'expériences antérieures afin de prendre sa décision. Ces résultats font l'objet de deux articles publiés dans Nature.


Taux de décharge des neurones dans l'ensemble du cerveau au cours d'un essai moyen de la tâche de prise de décision, mené dans le cadre de l'étude de l'IBL.
© Dan Birman. IBL


Lancé officiellement en 2017, l'IBL a introduit un nouveau modèle de collaboration en neurosciences qui mutualise un ensemble standardisé d'outils et de gestion des informations entre plusieurs laboratoires, garantissant ainsi la reproductibilité des données. "Grâce à cette collaboration d'envergure, 21 laboratoires ont travaillé ensemble sur un même modèle expérimental pour enregistrer l'activité individuelle de plus de 650 000 neurones répartis dans 279 zones du cerveau, soit 95 % du volume cérébral de la souris", détaille Alexandre Pouget, professeur ordinaire au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de l'UNIGE et cofondateur d'IBL.

Il existe une communication constante entre les différentes zones du cerveau pendant tout le processus de prise de décision.

Un cerveau illuminé comme un sapin de Noël


Les scientifiques ont utilisé des sondes Neuropixels, un type particulier d'électrodes, pour enregistrer simultanément l'activité neuronale et mesurer l'activité cérébrale de souris effectuant une tâche de prise de décision. Placées devant un écran, elles devaient déplacer une petite roue à gauche ou à droite, en direction d'une lumière apparaissant sporadiquement, pour recevoir une récompense. Mais parfois, la lumière était si faible que l'animal devait deviner dans quelle direction tourner la roue.

"La souris utilise alors la fréquence à laquelle la lumière est apparue précédemment à gauche ou à droite pour émettre des suppositions, ce qui nous permet d'étudier comment la prédiction basée sur l'expérience antérieure influence la perception et la prise de décision", indique Alexandre Pouget. "Et nous avons constaté que lorsqu'il est en train de décider, le cerveau tout entier s'illumine comme un sapin de Noël!".

De ces expériences est née une cartographie extrêmement détaillée du cerveau en situation de prise de décision, du tout début du processus jusqu'à l'obtention de la récompense.

Deux découvertes majeures


Les équipes de recherche ont alors fait deux découvertes majeures. Premièrement, les signaux de prise de décision sont répartis dans tout le cerveau. Ils ne sont pas localisés uniquement dans certaines régions spécifiques, contrairement au modèle communément admis d'un arbre décisionnel hiérarchique. "Il existe une communication constante entre les différentes zones du cerveau pendant tout le processus de prise de décision", explique le chercheur.



De plus, les attentes antérieures, c'est-à-dire ce que l'on pense susceptible de se produire sur la base d'expériences précédentes, sont encodées dans l'ensemble du cerveau, et non uniquement dans les zones en charge de la cognition. Les parties du cerveau en charge du traitement des informations sensorielles ou celles contrôlant les actions jouent également un rôle central dans la capacité d'anticipation du cerveau et donc pour guider les réponses comportementales.

Ces découvertes sont importantes pour comprendre certains troubles neuropsychiatriques tels que la schizophrénie et l'autisme, où la gestion de l'anticipation et de la récompense semble dysfonctionner.

"Traditionnellement, les neurosciences étudient les régions du cerveau de manière isolée. L'enregistrement de l'ensemble du cerveau nous donne désormais l'occasion de comprendre comment toutes les pièces s'assemblent", souligne Kenneth Harris, professeur de neurosciences quantitatives à l'UCL et l'un des membres clés de l'IBL.

Agir pour une science ouverte


L'un des principes gouvernant l'IBL est un engagement pour démocratiser et accélérer la science, de même que pour améliorer la reproductibilité des données. La carte du cerveau publiée ici est à la disposition des équipes du monde entier, qui l'exploitent déjà pour de nombreuses recherches.

De plus, toutes les données issues de ces études, ainsi que les spécifications détaillées des outils et protocoles utilisés pour la collecte des données sont librement accessibles à la communauté scientifique. Plus de détails sur le site web de l'IBL dans les sections: Données, Outils, Protocoles.
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL
sous le numéro de dossier 1037632
Informations légales