Les capacités de régénération fascinent depuis longtemps les scientifiques, et pour cause: elles suggèrent des possibilités infinies de réparation des organismes vivants. Des chercheurs de l'Institut Max Planck pour les Sciences Multidisciplinaires à Göttingen, Allemagne, ainsi que leurs collègues, ont mené une étude sur les vers plats planaires pour mieux comprendre ces mécanismes. Leur travail révèle des variations significatives dans la capacité de régénération, liées notamment aux méthodes de reproduction des différentes espèces.
Jochen Rink, directeur à l'Institut Max Planck, souligne l'intérêt pour la science de comprendre pourquoi la régénération est si rare, alors qu'elle représente un avantage évolutif apparent. La collection de planaires de l'institut, la plus grande au monde avec plus de 40 espèces, permet des comparaisons systématiques sous des conditions de laboratoire standardisées.
Une étude comparée d'envergure, impliquant 36 espèces de planaires, a permis d'identifier trois groupes distincts en fonction de leur capacité à régénérer leur tête. Les résultats indiquent que l'évolution de la régénération de la tête chez les planaires est particulièrement dynamique. Miquel Vila-Farré, premier auteur de l'étude, indique que la faculté de régénérer des organes et des tissus est apparue plusieurs fois de manière indépendante chez différentes espèces de planaires, certaines ayant même perdu cette capacité au fil du temps.
L'équipe de Rink avait déjà établi que les signaux moléculaires influent grandement sur la capacité de régénération. En particulier, le chemin de signalisation Wnt agit comme un interrupteur moléculaire: activé, il lance la régénération de la queue ; désactivé, il permet la formation d'une tête. Les expériences ont montré que l'inhibition de ce chemin chez certaines espèces améliore leur capacité à régénérer.
Les différentes espèces de vers plats planaires montrent des capacités de régénération variables. Celles-ci pourraient être associées au système reproductif de l'espèce.
Crédit: Miquel Vila-Farré, Max Planck Institute for Multidisciplinary Sciences
La reproduction joue également un rôle clé. Les planaires qui se reproduisent par division asexuée dépendent de leur capacité à régénérer, tandis que celles qui se reproduisent sexuellement et pondent des œufs n'en ont pas besoin. La voie de signalisation Wnt serait plus active chez les espèces se reproduisant sexuellement, favorisant le développement des testicules et des vitellus au détriment de la régénération.
Ces interactions entre la voie Wnt et le système reproductif pourraient donc déterminer l'apparition ou la perte de la capacité de régénération chez les planaires. L'étude propose que la capacité de régénération a évolué non pour "réparer" les blessures, mais plutôt pour permettre la reproduction asexuée par division, offrant une explication à la présence de planaires avec ou sans capacité de régénération dans la nature.