Comme nous l'avons vu sur nos deux précédents articles, les ingénieurs et techniciens de tests de Boeing font face à une série de problèmes spectaculaires pour une telle campagne. S'il est normal que des défauts soient révélés à un tel stade d'un programme aéronautique, un tel cumul de problèmes majeurs l'est nettement moins et n'est pas le fruit du hasard.
L'éclatement de la chaine de conception en question
C'est certainement l'une des leçons à tirer des différents déboires du Boeing 787. Si les constructeurs font de plus en plus appel à des fournisseurs externes du fait de la grande multiplicité des systèmes, le programme 787 est allé beaucoup plus loin avec une externalisation de la conception des composants sous-traités. Ce n'est donc pas seulement 70% de l'avion qui est construit par d'autres que Boeing mais bien 70% de l'appareil conçu en dehors de Boeing.
Ici, le B787 numéro 6 prend son envol pour la première fois,
une vingtaine d'appareils ont été assemblés
(image copyright Boeing)
Il s'agit d'une méthode dérivé du monde automobile et créée par Toyota. Cette méthode, aussi appelée "Toyotisme", consiste à partager l'ensemble de la production de l'engin (automobile pour Toyota, avion pour Boeing) avec les fournisseurs qui deviennent alors de véritables partenaires avec une responsabilité accrue. La prise en charge des éléments est alors totale et part de la conception à la fabrication voire à certaines opérations d'assemblage.
L'avantage de ce modèle est un partage des charges de conception entre les différents fabricants. Le maître d'œuvre, Boeing ou Toyota, se contente de la conception générale et ne suivent de près que les éléments qu'ils fabriquent encore en interne. Les fournisseurs prennent en charge non seulement la fabrication, mais aussi la conception et certaines parties du contrôle de qualité des pièces qu'ils fournissent. De cette manière, une grande partie des charges fixes liées au projet sont partagées.
Un tel modèle nécessite une grande coopération entre les équipes d'ingénieurs des différentes entreprises participantes. Les équipes d'ingénieurs des différents partenaires doivent se réunir très tôt, échanger de nombreuses informations et rester en contact tout au long du projet. Cela implique de nécessaires transferts de connaissances et technologies entre entreprises différentes, parfois de pays différents.
Hors, par sa nature stratégique, la culture du milieu aéronautique est plutôt celui du secret. Le personnel habitué à conserver des secrets industriels qui pouvaient même être des secrets de défense n'est pas forcément prompt à partager des informations autrefois considérées comme la chasse gardée de son entreprise. A l'inverse, nombre de fournisseurs se sont engagés sur leur niveau de compétence sur certaines technologies nouvelles et sur des métiers nouveaux, de ce fait, certaines demandes d'informations peuvent être vécues comme un aveu de non maîtrise des sujets concernés. Du coup, une question à poser n'est plus posée, et des employés travaillent sans connaître tous les éléments utiles.
Au final, des échanges d'informations qui se faisaient assez naturellement entre équipes d'une même entreprise ne se sont pas faits dans le cadre du projet du Boeing 787. Il en a résulté des décalages qui sont finalement apparus lors de l'assemblage et certains au cours des tests.
Reprise des vols d'essais
Récemment, Boeing a annoncé la reprise immédiate des essais en vol. Cependant, le calendrier restait "en cours d'étude". L'incendie de novembre n'est pas le seul souci du moment et la résolution de l'ensemble des problèmes constatés rend la tache compliquée. Jusqu'ici, les différentes dates communiquées étaient au mieux optimistes, au pire surréalistes et un premier vol commercial semble bien peu probable avant l'été 2011. En attendant, l'Airbus A350 progresse malgré un premier retard, le premier vol est prévu courant 2012 pour des livraisons à partir de 2013. Cependant, on ne peut que noter que le choix de retarder les premières livraisons reste une bien meilleure solution que celle qui consisterait à cacher les problèmes rencontrés.
Voir sur le même sujet:
Boeing 787: le point sur les essais (1/3) http://www.techno-science.net/actualite/redirect-N8596.html
Boeing 787: le point sur les essais (2/3) http://www.techno-science.net/actualite/redirect-N8599.html