L'anticorps utilisé par les chercheurs permet de détecter la FMRP (en rouge). Dans le cytoplasme, la protéine est associée aux microtubules (les filaments verts). Dans le noyau, elle est concentrée dans les corps de Cajal, des sites de maturation des ARN. Des chercheurs revisitent les causes de cette maladie et découvrent de nouvelles cibles pour la traiter. La protéine responsable du syndrome du X fragile n'est peut-être pas celle qui a été soupçonnée au cours de deux dernières décennies. C'est ce que portent à croire les travaux que des chercheurs de la Faculté de médecine publient dans le dernier numéro de la revue scientifique
PLOS Genetics.
Cette maladie, qui frappe 1 garçon sur 4000 et 1 fille sur 7000, est aujourd'hui la principale cause de retard mental héréditaire. Elle se manifeste par des difficultés dans l'apprentissage du langage et par des comportements hyperactifs ou autistiques. Le mauvais fonctionnement neuronal des personnes atteintes serait causé par une déficience en protéine FMRP (Fragile X Mental Retardation Protein). En conditions normales, cette protéine est abondamment exprimée dans le cerveau où elle intervient dans le développement et la maturation des neurones.
Le modèle en vigueur pour expliquer cette maladie va comme suit. Les FMRP se lient aux ARN messagers produits dans le noyau des neurones et forment, avec d'autres protéines, des granules d'ARN. Les FMRP bâillonnent les ARN messagers jusqu'à ce qu'ils soient livrés, par la voie de microtubules, dans la région du cytoplasme où ils sont traduits en protéines. "Les microtubules sont comme des rails sur lesquels circulent des wagons (les granules) qui transportent l'information génétique (les ARN messagers) vers des usines distantes, spécialisées dans la synthèse de protéines impliquées dans la plasticité des neurones", explique le responsable de l'étude, Edouard Khandjian.
Ce modèle comporte toutefois une faille majeure, vient de découvrir son équipe. Les deux formes les plus courantes de la FMRP abondent dans le cytoplasme, mais elles ne se retrouvent pas dans le noyau. "Nous avons toutefois découvert deux isoformes de la FMRP, nommées 6 et 12, qui sont situées dans des structures énigmatiques du noyau appelées corps de Cajal." Les deux isoformes pourraient conduire les ARN messagers vers ces structures où ils seraient soumis à un processus de maturation avant leur passage dans le cytoplasme.
Selon le professeur Khandjian, il pourrait s'agir là d'un important chaînon manquant dans la compréhension de cette maladie. "Présentement, le traitement du syndrome du X fragile vise des mécanismes qui affectent le développement des neurones et la plasticité neuronale. Ces mécanismes ont lieu dans le cytoplasme. Notre découverte ouvre la possibilité d'agir en amont, sur des cibles qui se trouvent dans le noyau. La prochaine étape consiste à déterminer à quoi sont rattachées ces deux isoformes de FMRP dans les corps de Cajal et quel est leur rôle."
L'article paru dans
PLOS Genetics est signé par Alain Y. Dury, Rachid El Fatimy, Sandra Tremblay, Paul De Koninck et Edouard W. Khandjian, du Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Québec, Timothy M. Rose, du Seattle Children's Research Institute, et Jocelyn Côté, de l'Université d'Ottawa.