L'Univers nous réserve encore bien des surprises, comme en témoigne cette observation exceptionnelle d'une étoile en fin de vie dévorant les restes de son propre système planétaire. Ce phénomène, capturé par des télescopes parmi les plus puissants au monde, ouvre une fenêtre unique sur le destin des mondes orbitant autour d'étoiles semblables à notre Soleil.
À 145 années-lumière de nous, l'étoile naine blanche LSPM J0207+3331 représente le cœur résiduel d'un astre autrefois semblable à notre Soleil. Après avoir traversé sa phase de géante rouge il y a trois milliards d'années, cette étoile a expulsé ses couches externes pour ne laisser qu'un noyau dense et incandescent. Les observations spectroscopiques menées avec les télescopes Magellan au Chili et Keck à Hawaï révèlent que des fragments planétaires ont survécu à cette transformation stellaire violente.
Représentation artistique d'un disque de débris avec des corps solides autour d'une naine blanche.
Crédit: NASA/ESA/Joseph Olmsted (STScI) L'analyse spectroscopique a détecté pas moins de treize éléments chimiques différents provenant d'un objet céleste en cours de destruction. Parmi ces éléments figurent l'aluminium, le carbone, le chrome, le cobalt, le cuivre, le fer, le magnésium, le manganèse, le nickel, le silicium, le sodium, le strontium et le titane, dont les proportions ressemblent étrangement à celles que l'on trouve sur Terre. La présence simultanée de tous ces éléments indique qu'une accrétion de matière sur la naine blanche s'est produite récemment, probablement au cours des 35 000 dernières années, et pourrait même se poursuivre actuellement.
La naine blanche est aussi entourée d'un disque de débris riche en silicates, détecté par le télescope spatial WISE de la NASA grâce à son émission infrarouge caractéristique. Les futures observations du télescope spatial James Webb pourraient permettre d'analyser la composition minéralogique de ce disque et d'estimer sa masse totale, fournissant ainsi des indices précieux sur la nature exacte du système planétaire originel.
La question centrale qui intrigue les scientifiques concerne le timing de cet événement destructeur. Pourquoi cet objet a-t-il été attiré vers la naine blanche maintenant, après trois milliards d'années de stabilité relative ? Érika Le Bourdais, auteure principale de l'étude publiée dans 
The Astrophysical Journal, explique que cette accrétion continue suggère que les naines blanches pourraient conserver des vestiges planétaires encore soumis à des changements dynamiques. Les perturbations gravitationnelles causées par d'éventuelles planètes géantes gazeuses survivantes pourraient expliquer cette instabilité tardive, une hypothèse que la mission Gaia de l'Agence spatiale européenne pourrait vérifier dès 2026.
Le cycle de vie des étoiles semblables au Soleil
Les étoiles de type solaire suivent un parcours évolutif bien défini qui s'étend sur des milliards d'années. Après avoir brûlé leur hydrogène pendant la séquence principale, elles entrent dans une phase d'expansion spectaculaire appelée géante rouge, durant laquelle leur diamètre peut augmenter de plusieurs centaines de fois.
Cette transformation radicale s'accompagne de l'expulsion des couches externes de l'étoile, créant parfois de magnifiques nébuleuses planétaires. Le cœur résiduel, privé de ses réactions nucléaires, se contracte alors sous l'effet de sa propre gravité pour former une naine blanche, un objet extrêmement dense où une cuillère à café de matière pèserait plusieurs tonnes sur Terre.
La température de surface d'une naine blanche peut initialement dépasser les 100 000 degrés Celsius, mais elle se refroidit progressivement sur des échelles de temps cosmologiques. Ce refroidissement lent permet aux astronomes d'estimer l'âge de ces objets stellaires et de retracer l'histoire des systèmes planétaires qui les entouraient.
La découverte de LSPM J0207+3331 montre que même après cette transformation stellaire complète, l'influence gravitationnelle des naines blanches continue de façonner l'évolution des corps célestes survivants dans leur environnement immédiat.
La spectroscopie: une fenêtre sur la composition des astres
La spectroscopie astronomique représente l'une des techniques les plus puissantes pour analyser la composition chimique des objets célestes lointains. Cette méthode repose sur l'analyse de la lumière émise ou absorbée par la matière, chaque élément chimique produisant une signature spectrale unique comparable à une empreinte digitale.
Lorsque la lumière d'une étoile traverse l'atmosphère d'une planète ou des nuages de débris, certains éléments absorbent des longueurs d'onde spécifiques, créant des raies sombres dans le spectre lumineux. L'étude de ces raies d'absorption permet aux scientifiques d'identifier précisément quels éléments sont présents et en quelles quantités.
Dans le cas des naines blanches, la spectroscopie révèle les éléments qui se déposent à leur surface depuis leur environnement. Comme les éléments lourds devraient rapidement s'enfoncer vers le cœur de l'étoile sous l'effet de la gravité intense, leur détection en surface indique un apport récent de matière externe.
Cette technique a permis de découvrir que LSPM J0207+3331 accumulait des éléments provenant d'un objet planétaire en destruction, offrant ainsi une preuve directe des processus d'accrétion qui se déroulent dans les systèmes stellaires vieillissants.