Des astronomes ont découvert que les pâles galaxies compagnons de la galaxie d'Andromède sont situées au sein d'un plan étroit qui passe par son centre et qui est perpendiculaire à son disque principal. Cette distribution inattendue n'est pas comprise dans le contexte des modèles actuels de formation de galaxies. Le plan des galaxies satellites se dirige vers un amas voisin de galaxies, en suivant probablement une distribution à grande échelle de matière sombre. Les Docteurs Eva Grebel et Andreas Koch de l'Institut Astronomique de l'Université de Bâle ont présenté ces résultats lors d'une conférence de presse au meeting annuel de la Société Astronomique Américaine à Washington.
Située à une distance de seulement 2,5 millions d'années-lumière, Andromède est la galaxie spirale la plus proche de notre propre galaxie. Comme la Voie Lactée, Andromède est entourée par un grand nombre de galaxies satellites naines. En se basant principalement sur des mesures effectuées à l'aide du télescope Hubble, les astronomes ont estimé la distribution tridimensionnelle des satellites autour d'Andromède. Cela a permis à l'équipe de visualiser les positions des satellites comme les verrait un observateur situé au centre de la galaxie.
Au lieu d'une distribution aléatoire, les astronomes ont découvert que neuf galaxies satellites sur quatorze, de masse peu élevée et situées à une distance inférieure à 1,3 million d'années-lumière d'Andromède, se trouvent dans un plan perpendiculaire au disque principal. La largeur typique de ce plan n'est que de 52.000 années-lumière (environ 2 pour cent de la distance entre la Voie Lactée et Andromède). Le plan passe par le centre de la galaxie et est presque exactement aligné avec son axe polaire.
Des plans polaires semblables ont été découverts autour de la Voie Lactée il y a presque trois décennies. Ces plans contiennent toutes les galaxies compagnons de Voie Lactée. "On ne comprend pas encore si ces configurations curieuses ont une signification physique, en partie parce qu'elles ne sont pas prévues par les modèles théoriques actuels de formation des galaxies satellites", indique Eva Grebel. "En principe de tels plans pourraient s'être formés par hasard et seraient alors des phénomènes de courte durée, bien que ceci semble assez peu probable. Nous avons donc analysé la structure du système d'Andromède pour voir si de tels plans de satellites existent aussi autour d'autres galaxies massives". Le Dr. Grebel et son équipe avaient effectué la première étude de ce type il y a sept ans et avaient trouvé des signes de l'existence d'un plan polaire autour d'Andromède, mais à cette époque, plusieurs des compagnons d'Andromède n'avaient pas encore été découverts, et les distances étaient mal connues.
Tentatives d'explication
"Les compagnons d'Andromède qui se trouvent dans le plan polaire partagent des propriétés identiques", précise Koch. Les étoiles s'y forment de la même façon, ils contiennent principalement des étoiles très anciennes et peu de gaz interstellaire. Une possibilité est que ces galaxies soient les restes de la dislocation d'une galaxie plus massive, qui aurait été avalée par Andromède. On pense qu'un tel cannibalisme est l'un des mécanismes primordial de l'accroissement galactique. Les satellites devraient alors continuer à se déplacer autour d'Andromède dans le plan orbital de leur prédécesseur. Un flux stellaire massif d'accrétion a été découvert récemment autour d'Andromède, qui est le reflet manifeste d'une collision importante entre galaxies dans un lointain passé. Ce flux, cependant, ne coïncide pas avec le plan observé et semble en être indépendant.
Une autre possibilité est que l'alignement avec les pôles révèle en fait une distribution invisible de matière sombre autour de la galaxie. La matière sombre domine dans la périphérie des galaxies massives, et sa gravité influence le mouvement des petites galaxies compagnons. Si un halo étendu de matière sombre était responsable du plan polaire des satellites, sa distribution ne serait pas sphérique, mais serait en quelque sorte aplatie comme un ballon de rugby. Certains modèles cosmologiques prévoient de tels halos.
Une troisième possibilité est que l'orientation préférentielle le long d'un plan est simplement la conséquence d'un alignement des galaxies satellites le long de filaments de matière sombre. Les modèles cosmologiques de la formation des structures dans l'Univers prévoient des points de fluctuation de densité où la matière se concentre. En raison de leur gravité, ces fluctuations attireraient les blocs voisins et continueraient à se développer. Ceci conduit aux flux de matière sombre et lumineuse le long de sortes de filaments du dénommé "réseau cosmique". Les petites galaxies qui se forment dans de tels jets pourraient s'aligner préférentiellement suivant leur attraction vers d'autres galaxies massives. "Le plan des galaxies satellites d'Andromède pointe vers la galaxie spirale voisine M33 et vers l'amas de galaxies M81", précise Eva Grebel. "Mais nous n'avons pas assez de données pour déterminer si cet alignement est la trace visible d'un filament local de matière sombre". M81 est situé à 11 millions d'années-lumière d'Andromède, soit un peu plus de quatre fois la distance entre Andromède et la Voie Lactée.
Des calculs d'orbites sont nécessaires pour confirmer ou éliminer les différents scénarios qui ont été proposés. A la distance d'Andromède, il est extrêmement difficile de déterminer l'orbite des galaxies satellites. Cependant, il serait possible de restreindre les mouvements admissibles en utilisant les distances tridimensionnelles des galaxies satellites et leurs vitesses mesurées suivant la ligne de vision. Ces études ne permettraient pas de déduire les orbites réelles des galaxies compagnons, mais de vérifier s'il est plausible qu'elles se déplacent dans le plan polaire. Les résultats de simulations numériques préliminaires indiquent que de telles orbites sont physiquement possibles.