Certaines tumeurs du sein sont très agressives avec un développement de métastases accéléré. Le gène ERBB2 a été identifié comme l'un des responsables de cette agressivité accrue dans 20% de ces cancers. Cependant, les stratégies thérapeutiques ciblant ce gène s'avèrent efficaces dans seulement 50% des cas. Deux équipes de Montpellier identifient le gène TOM1L1 comme responsable du développement de métastases et révèlent le mécanisme sous-jacent qui implique une dérégulation du trafic vésiculaire au sein de la cellule tumorale. Cette étude publiée dans la revue
Nature Communications ouvre la voie à de nouvelles possibilités de pronostic et de thérapie.
Figure 1: TOM1L1 favorise le développement métastatique chez la souris. Des cellules de tumeurs mammaires ERBB2-positives ont été injectées dans la circulation sanguine des souris. Leur capacité à sortir des vaisseaux et à coloniser des organes à distance a été observée par des approches de bioluminescence. Les cellules exprimant TOM1L1 ont été retrouvées dans le cerveau des souris injectées. Cela traduit une plus forte capacité des cellules à envahir les tissus, une étape cruciale du développement des métastases. Les souris témoins (mock) ne présentant aucune métastase.
Le cancer du sein se situe au premier rang mondial des cancers les plus fréquents chez les femmes. Dépistées aux stades précoces, la survie des patientes à 5 ans est proche de 90%. Cependant, certains sous-types présentent une agressivité accrue liée au développement rapide de métastases. Parmi ceux-ci, les tumeurs "HER2+" sont particulièrement agressives et représentent 20% des cancers du sein. Ces tumeurs sont caractérisées par un défaut génétique du chromosome 17, conduisant à l'amplification de l'oncogène HER2. Ce défaut induit une surexpression cellulaire du récepteur membranaire HER2, un acteur central de la formation de ces tumeurs. Bien que des stratégies thérapeutiques ciblant ce récepteur aient été mises en place avec succès en clinique, on estime que 50% des patientes ne répondent pas ou ne peuvent pas supporter les effets secondaires importants de ces traitements. Il est donc urgent de comprendre les mécanismes responsables de l'agressivité de ces cancers afin d'identifier de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles.
Dans ce contexte, les équipes de Serge Roche au Centre de Recherche en Biologie Cellulaire, et de Christine Bénistant au Centre de Biochimie Structurale, en collaboration avec des chercheurs de l'Institut de Recherche en Cancérologie de Montpellier, montrent que le gène HER2 est souvent amplifié avec le gène de la protéine du trafic vésiculaire TOM1L1, situé sur le même chromosome. De manière particulièrement intéressante, la co-amplification de ces gènes est associée à un mauvais pronostic pour la patiente, suggérant que TOM1L1 est un nouveau facteur d'agressivité tumorale. En accord avec cette hypothèse, les chercheurs montrent qu'une activité anormale de TOM1L1 favorise l'invasion tissulaire des cellules tumorales. Plus précisément, l'association de TOM1L1 avec son partenaire TOLLIP active le transport d'un composant majeur de la dissémination tumorale, MT1-MMP, vers des structures membranaires, appelées invadopodes, qui sont en contact avec la matrice extracellulaire. En conséquence, les cellules HER2+/TOM1L1+ acquièrent une capacité accrue à dégrader le microenvironnement tumoral pour s'échapper de la tumeur et coloniser les tissus à distance.
Figure 2: Au sein des cellules ERBB2-positives, TOM1L1 (en vert) se localise au niveau de structures internes de transport (les endosomes) en s'associant à un de ses partenaires TOLLIP (en bleu). Une fois localisé dans ces structures, TOM1L1 active le transport de leur contenu (MT1-MMP, en rouge) vers la membrane cellulaire. MT1-MMP favorise alors les mouvements et la migration des cellules au sein de leur microenvironnement en dégradant la matrice extracellulaire.
© Serge Roche. Nature publishing group avec permission de reproduire.
Ces résultats révèlent que la dérégulation du trafic vésiculaire au sein de la cellule tumorale joue un rôle insoupçonné dans l'agressivité des tumeurs. Par ailleurs, l'amplification des gènes codant ces régulateurs apparait comme un nouveau mécanisme favorisant la progression métastatique des cancers du sein induit par l'oncogène HER2.
in fine, il pourrait être intéressant de proposer l'amplification du gène de TOM1L1 comme marqueur de mauvais pronostic dans les cancers du sein HER2-positifs.