Isabelle - Samedi 5 Mars 2016

Les artères sous pression livrent leurs secrets

Les petites artères présentent une vasoconstriction basale déclenchée par un influx de calcium dans les cellules musculaires lisses, dépendant de la pression artérielle. L'équipe d'Eric Honoré à l'Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire, apporte les premières informations sur les mécanismes moléculaires de ce tonus myogénique en démontrant que l'ouverture des canaux calciques CaV1.2, en réponse à une augmentation de la pression artérielle, requiert une protéine du cytosquelette d'actine, la filamine A. Cette découverte permet une meilleure compréhension des phénomènes impliqués lors de l'hypertension et ouvre la voie vers de nouvelles stratégies thérapeutiques pour le traitement de cette pathologie fréquente et dévastatrice. Cette étude est publiée dans la revue Cell Reports.


Figure 1: La filamine A (FlnA) est une protéine du cytosquelette d'actine, requise pour l'activation du canal calcique CaV1.2 des cellules musculaires lisses par l'augmentation de la pression artérielle et conditionne le tonus myogénique. En parallèle, le canal cationique mécanosensible Piezo1, impliqué dans le remodelage artériel hypertensif, est inhibé par la filamine A. La nifédipine est un agent antihypertenseur bloquant les canaux CaV1.2 et inhibant le tonus myogénique artériel. Le peptide GsTMx-4, isolé à partir du venin d'une tarentule (Grammostola spatulata), inhibe l'ouverture des canaux ioniques mécanosensibles Piezo1 par le stress mécanique.
© Eric Honoré


Figure 2: Co-localisation (en jaune) de la filamine A (en rouge) avec l'actine corticale (en vert) dans un myocyte isolé à partir de l'artère caudale de souris. Le noyau du myocyte artériel isolé est visualisé en bleu.
© Eric Honoré


Les artères de petit diamètre, encore appelées artères de résistance, se contractent en réponse à une augmentation de la pression artérielle et inversement se relaxent lorsque celle-ci est abaissée. Cette réponse myogénique est intrinsèque aux cellules musculaires lisses artérielles, indépendamment de l'endothélium ou du système nerveux. L'auto-régulation artérielle, décrite par Bayliss dès 1902, est nécessaire afin d'éviter le traumatisme mécanique des tissus irrigués lors d'une hypertension. Ainsi, le tonus myogénique assure un flux constant de sang en dépit des variations de la pression artérielle. De plus, il est requis pour permettre l'effet des agents vasorelaxants provenant de l'endothélium. La réponse myogénique est déclenchée par l'ouverture de canaux ioniques perméables aux ions calcium et présents à la membrane plasmique des myocytes artériels.

Cependant, les mécanismes moléculaires impliqués dans ce phénomène physiologique demeurent encore mal compris. Comment la force est-elle transmise aux canaux calciques des cellules musculaires lisses ? Quelle est l'identité moléculaire de ces canaux ioniques ? Quel est le mécanisme d'activation par la pression artérielle ? Ces questions fondamentales étaient encore sans réponse. Le groupe d'Eric Honoré a montré qu'une protéine du cytosquelette d'actine, la filamine A joue un rôle critique dans le mécanisme d'activation des canaux calciques CaV1.2 des cellules musculaires lisses par la pression artérielle et ainsi conditionne la réponse myogénique. Les mutations géniques de perte de fonction de la filamine A conduisent à une pathologie neuronale appelée hétérotopie nodulaire périventriculaire bilatérale, associée à des anomalies artérielles sévères. Les résultats de cette nouvelle étude apportent des éléments de compréhension du phénotype artériel de cette maladie génétique rare. En parallèle, la filamine A régule, mais cette fois de manière négative, l'ouverture des canaux cationiques mécanosensibles Piezo1 des myocytes artériels et ainsi influence le remodelage structural artériel hypertensif. En conclusion, ces résultats conduisent à une meilleure compréhension de la physiologie vasculaire, du phénotype artériel associé aux mutations géniques de la filamine A et apportent un éclairage particulier sur les mécanismes moléculaires de l'hypertension artérielle.
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