Les deux hémisphères, gauche et droit, du cerveau humain présentent des asymétries robustes aussi bien anatomiques que fonctionnelles. Des chercheurs de l'Institut des maladies neurodégénératives ont caractérisé les asymétries d'aire et d'épaisseur du manteau cortical grâce à une méthode originale d'analyse en surface d'images IRM. Ils mettent ainsi en évidence des régions où ces asymétries sont concordantes et corrélées entre elles. Cette étude est publiée dans la revue
Neuropsychologia.
Figure: (A) Cartes moyennes d'asymétries locales d'épaisseur et d'aire corticale calculées sur les 250 participants de l'étude. Les asymétries sont superposées sur une représentation gonflée de la surface corticale d'un cerveau moyen présentant des caractéristiques anatomiques symétriques. Le gris clair correspond aux gyri et le gris foncé aux sillons. Les asymétries gauches sont représentées sur l'hémisphère gauche (G > D), et les asymétries droites sur l'hémisphère droit (D > G). (B) Sites de recouvrement entre les asymétries concordantes/opposées d'épaisseur et d'aire corticale. (C) Sites de recouvrement entre les asymétries d'épaisseur et d'aire corticale présentant des corrélations entre ces variables. Les corrélations positives sont représentées en rouge et les corrélations négatives en bleu. Le graphique illustre l'association entre les valeurs individuelles d'asymétrie d'épaisseur et d'aire corticales pour le site de recouvrement situé sur le sillon temporal supérieur.
© Fabrice Crivello
Chez l'Homme, l'asymétrie cérébrale anatomique la plus visible est une torsion du cerveau, la torque, caractérisée par des protrusions des cortex frontal droit et occipital gauche. Il existe également des différences anatomiques régionales de certaines structures cérébrales entre les hémisphères. Les plus manifestes se caractérisent par une scissure de Sylvius (la limite supérieure du lobe temporal) plus longue et un planum temporale (PT) plus étendu dans l'hémisphère gauche, alors que dans le droit, le sillon temporal supérieur (STS) est plus profond.
Ces régions clefs sont impliquées dans la production langagière et la caractérisation précise de leurs asymétries anatomiques est importante dans l'étude des bases structurelles de la spécialisation hémisphérique chez l'Homme. L'hémisphère gauche commande le langage chez 90% des individus et le droit l'attention spatiale ou, pour ce qui concerne l'asymétrie du sillon temporal supérieur, la reconnaissance de la voix humaine. Cependant ces résultats sur les asymétries cérébrales avaient pour la plupart été obtenus à partir de mesures du volume régional de substance grise sans tenir compte des différences de position des sillons cérébraux entre les hémisphères. Ainsi il était difficile de savoir ce qui, pour ces asymétries anatomiques régionales, était dû à des positions différentes des sillons ou bien à des différences de volume régional de substance grise entre les hémisphères.
Pour étudier plus précisément la nature des asymétries du cortex cérébral, les chercheurs du Groupe d'Imagerie Neurofonctionnelle à l'Institut des Maladies Neurodégénératives ont mis en place une méthode d'analyse d'images IRM basée sur le recalage précis des sillons des deux hémisphères en se plaçant au niveau de la surface du cortex. Cette méthode permet d'obtenir une correspondance précise entre une région d'un hémisphère et son homologue dans l'autre hémisphère. Les chercheurs ont ainsi mesuré les valeurs d'épaisseur et d'aire corticales et calculé leurs cartes d'asymétries inter-hémisphériques. Cette méthode a été appliquée sur un échantillon de sujets de la BIL&GIN, une base de données de sujets sains dédiée à l'étude la spécialisation hémisphérique et fortement enrichie en gauchers (120 participants gauchers sur les 250 participants de l'étude).
Les chercheurs ont trouvé des régions dans lesquelles les asymétries d'épaisseur et d'aire corticales étaient concordantes (asymétrie gauche ou droite pour les deux variables anatomiques), et des régions ou les asymétries étaient opposées (gauche pour l'une et droite pour l'autre). Environ 20% des régions qui présentaient des asymétries à la fois d'épaisseur corticale et d'aire corticale avait leurs asymétries corrélées négativement, c'est à dire que plus l'asymétrie d'aire était forte plus celle d'épaisseur était faible et réciproquement. Il est frappant de constater que les 2 régions aux asymétries anatomiques les plus fortes, le planum temporale et le sillon temporal supérieur présentaient au contraire des corrélations positives d'asymétrie. Le planum temporale avait une asymétrie gauche d'aire et d'épaisseur corticale alors que le sillon temporal supérieur présentait, lui, une asymétrie droite des deux variables. Pour ces 2 régions, l'asymétrie d'épaisseur corticale était d'autant plus forte qu'elle l'était pour l'asymétrie d'aire corticale.
Cette étude démontre qu'il existe des corrélations entre les asymétries d'épaisseur et d'aire corticale caractéristiques de l'organisation anatomique du cortex cérébral. Ces régions sont des sites clefs dont il reste maintenant à étudier l'importance comme marqueurs anatomiques de la latéralisation cérébrale et de ses corrélats fonctionnels.