Herpes simplex virus type 2 (HSV-2) est principalement à l'origine de l'herpès génital qui est l'une des infections sexuelles les plus courantes à travers le monde et en particulier 90% des personnes infectées par le VIH sont porteuses de ce virus. Cependant, la majorité des individus contaminés par HSV-2 ignore la présence du virus simplement parce qu'ils n'ont pas de symptômes, le virus étant tout de même capable de causer des plaies récurrentes sur la peau au niveau génital.
Plusieurs précédentes études ont montré que la présence de HSV-2 augmente le risque de transmission du VIH et accélère la progression de la maladie chez les patients co-infectés. En particulier, en plus des plaies liées à HSV-2 qui faciliteraient l'infection par VIH, il a été montré que des récurrences fréquentes d'herpès génital entrainaient une augmentation de la quantité de VIH dans le sang mais également dans les muqueuses génitales. De plus, l'infection à HSV-2 induit le recrutement au niveau génital des lymphocytes T CD4+ qui sont les principales cellules cibles du VIH. En considérant cette relation entre les deux virus, les chercheurs ont donc émis l'hypothèse qu'en éliminant HSV-2 par un traitement spécifique, la transmission sexuelle du VIH pourrait aussi être réduite de la même manière.
Cet essai clinique international et multi-centrique s'est intéressé entre novembre 2004 et octobre 2008 à déterminer le taux de réduction de transmission du VIH en fonction de l'administration de deux doses d'acyclovir par jour chez des patients co-infectés. L'acyclovir est un médicament antiviral principalement indiqué dans le traitement des infections aux virus de la famille herpes. Ce travail a été coordonné par l'université de Washington à Seattle et financé par la fondation Bill et Melinda Gates. Cet essai a permis l'étude de 3408 couples sérodiscordants pour VIH, c'est-à-dire que pour chaque couple, un membre seulement est infecté par le VIH et pas le conjoint et celui qui est porteur du VIH l'est aussi pour HSV-2. L'étude a été réalisée simultanément sur 14 sites dans 7 pays différents en Afrique (Botswana, Kenya, Rwanda, South Africa, Tanzania, Uganda and Zambia).
Les premières analyses des résultats de l'essai clinique ont été rendues publiques le 8 mai 2009 et indiquent clairement que le traitement de l'herpès avec l'acyclovir ne réduit pas significativement le risque de transmettre le VIH à son conjoint non infecté. En effet, 41 nouvelles infections ont été rapportées parmi la cohorte de sujets traités à l'acyclovir et 43 parmi le groupe placebo qui n'a pas reçu le traitement. Cependant, par rapport au groupe placebo, les chercheurs ont remarqué que l'acyclovir permet de réduire de 73% la fréquence des ulcérations génitales et de 40% le taux moyen de VIH dans le sang, ce qui corrobore les conclusions des précédentes études. Enfin, les scientifiques ont suivi durant l'essai le nombre de participants qui ont vu leur niveau de lymphocytes T CD4+ diminuer au dessous de 200/mm3, qui ont commencé un traitement contre le VIH ou encore qui sont décédés afin de déterminer si l'acyclovir peut ralentir la progression de la maladie liée à VIH. Ils ont conclu de ces observations que l'acyclovir réduit statistiquement de 17% la progression de la maladie chez les sujets traités en comparaison des patients du groupe placebo.
Bien que l'acyclovir ne soit pas capable de réduire la transmission de la maladie et donc de diminuer la progression de l'épidémie à travers le monde, l'utilisation de ce médicament contre l'herpès a permis de mettre en évidence de nouvelles voies de recherche thérapeutiques contre le VIH. En effet, les relations fonctionnelles entre le VIH et HSV-2 en font une cible privilégiée dans la recherche de traitements indirects anti-VIH. De plus, l'effet modeste de l'acyclovir sur la progression de la maladie liée au VIH est une donnée intéressante et une option potentielle à faible coût dans le but de ralentir l'infection en particulier chez des individus n'étant pas éligibles à un traitement antirétroviral.
Auteur de l'article: Pierre-Alain Rubbo