Des chercheurs de NeuroSpin ont établi que les modulations de l'activité spontanée de notre cerveau ont un impact sur la perception visuelle. Ces résultats, qui ont fait l'objet d'une publication dans le numéro du 5 août de
Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), viennent enrichir la modélisation de la prise de décision, un des thèmes clefs des neurosciences actuelles.
L'étude de l'activité cérébrale par IRM fonctionnelle
(1) nous apprend que le cerveau maintient une activité de fond fluctuante même lorsqu'il n'est pas stimulé. Par exemple, même les yeux fermés, et donc en l'absence de stimulus visuel, les aires visuelles du cerveau présentent une activité et celle-ci fluctue. Lors de l'analyse des données recueillies par IRM, ces variations de l'activité dite spontanée sont considérées comme un bruit de fond sans réelle importance et sont donc ignorées.
Afin de déterminer si les fluctuations spontanées des zones spécialisées du cerveau ont un impact sur la perception, les chercheurs de NeuroSpin
(2) ont soumis 12 sujets à une IRM fonctionnelle, en leur présentant de manière brève (150 ms) et répétée (intervalle irrégulier d'au moins 20 s) un stimulus ambigu. Celui-ci représentait deux visages ou un vase (voir schéma ci-dessous).
Dans la moitié des essais les sujets ont perçu le vase et dans l'autre, les visages. En étudiant les résultats détaillés de l'IRM, les chercheurs ont constaté dans les essais où les personnes avaient perçu des visages, un niveau d'activité spontanée d'une zone du cerveau très fortement impliquée dans la reconnaissance des visages appelée FFA (fusiform face area) plus élevée que dans les essais où les sujets avaient perçu un vase. Ainsi, plus il y a d'activité spontanée dans cette zone avant la présentation du stimulus, plus la probabilité de voir les visages plutôt que le vase est grande. Il est donc possible de déduire de l'étude de l'activité spontanée d'un sujet de quelle manière il percevra le stimulus, et ce, bien avant sa présentation.
Ces résultats remettent en question la vision "behavioriste
(3) "du cerveau. Contrairement à une "boîte noire", celui-ci n'est pas silencieux en l'absence de stimulation et ne réagit pas de façon réflexive aux stimuli extérieurs. Les fluctuations de l'activité spontanée correspondent à une dynamique intrinsèque et active du cerveau qui, de façon variable, ne s'arrête jamais de générer des hypothèses sur l'interprétation du monde extérieur, déterminant ainsi son interaction constructive avec son environnement.
A propos de Neurospin
Créé à l'initiative du CEA, le centre de neuro-imagerie en champ intense NeuroSpin est opérationnel depuis début 2007. Ayant pour ambition de repousser à l'extrême les limites actuelles de l'imagerie cérébrale par la résonance magnétique nucléaire à très haut champ magnétique, il vise à développer des outils et des modèles pour mieux analyser le cerveau humain en développement, en fonctionnement, ainsi que les anomalies qui s'y rapportent. Fort d'une résolution spatiale et temporelle multipliée par dix par rapport aux instruments actuels, Neurospin est un formidable outil pour comprendre l'origine de la maladie, assurer le suivi thérapeutique des patients, aider la chirurgie à trouver un angle d'approche. A terme, des retombées sont également attendues en intelligence artificielle, en sciences sociales, dans l'éducation et dans l'industrie.
Situé dans le centre CEA de Saclay, NeuroSpin complète les installations du Service hospitalier Frédéric Joliot (SHFJ) d'Orsay, constituant ainsi une plate-forme d'imagerie unique en Europe.
Notes:
(1) L'imagerie par résonance magnétique fonctionnel (IRMf) est une application de l'imagerie par résonance magnétique à l'étude du fonctionnement du cerveau. Elle consiste à alterner des périodes d'activité (par exemple bouger les doigts de la main droite) avec des périodes de repos, tout en acquérant des images de l'intégralité du cerveau toutes les 1,5 à 6 secondes (correspond à la résolution temporelle moyenne classiquement utilisée en recherche).
(2) Equipe mixte CEA-I²BM/Inserm.
(3) Sur le plan théorique, le behaviorisme considère que la pensée fonctionne comme une sorte de mécanisme automatique qui enregistre passivement les données venues du milieu extérieur et y répond par la combinaison d'actions réflexes.